À six mois de l’élection présidentielle ivoirienne, le climat politique s’assombrit à nouveau, et l’histoire semble se répéter. L’exclusion de plusieurs grandes figures de l’opposition notamment Tidjane Thiam du PDCI et Laurent Gbagbo du PPA-CI de la liste électorale ravive de vieilles blessures démocratiques. Loin de se résigner, les partis d’opposition se mobilisent pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une dérive antidémocratique, fondée sur une instrumentalisation du droit et des institutions.
Samedi 3 mai, à Port-Bouët, le meeting de soutien au candidat du PDCI, Tidjane Thiam, a donné le ton d’une opposition prête à tout pour défendre la représentativité de son leader. Dans le même temps, Laurent Gbagbo lançait le mouvement « Trop, c’est trop », un front de protestation multiforme face à ce qu’il qualifie d’injustices politiques récurrentes. Ces signaux révèlent un profond malaise dans le processus électoral en cours et interrogent sur l’inclusivité et la légitimité des échéances à venir.
L’exclusion comme facteur d’instabilité démocratique
L’exclusion de Tidjane Thiam de la liste électorale a été vécue comme un électrochoc pour le PDCI, qui refuse catégoriquement d’envisager un plan B. Cette posture traduit un enjeu de taille : celui de la crédibilité du scrutin. Pour les militants, une élection sans leur candidat revient à une parodie démocratique. Les slogans entendus lors du meeting « Tidjane Thiam ou rien ! » sont loin d’être anecdotiques : ils marquent une ligne rouge.
Cette situation d’exclusion rappelle d’autres précédents où des figures majeures ont été empêchées de concourir, nourrissant le ressentiment d’une partie de l’électorat. Si l’opposition dénonce une justice à géométrie variable, le gouvernement, lui, campe sur une position légaliste : la loi prime, peu importe les sensibilités politiques. Or, cette logique, si elle ne s’accompagne pas d’un dialogue politique réel, risque d’accentuer la fracture démocratique.
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Une opposition en quête d’unité autour d’un combat commun
Le rapprochement entre le PDCI et le PPA-CI est l’un des signaux les plus forts de cette crise électorale. L’initiative de Laurent Gbagbo, qui a exprimé son soutien inconditionnel à Tidjane Thiam, dépasse la simple solidarité politique. Elle marque une tentative de fédération des mécontentements pour peser davantage sur le processus électoral. Le lancement de la campagne « Trop, c’est trop » en est la première expression concrète.
Ce mouvement se veut une caisse de résonance des frustrations sociales et politiques. En appelant à « réunir tous ceux qui ont quelque chose à déplorer », Gbagbo tente de créer une coalition hétéroclite mais puissante, allant au-delà des partis politiques. Le PPA-CI réclame, en parallèle, un audit de la liste électorale, un nouvel organe électoral consensuel et la réinscription des exclus. Ces revendications, si elles ne sont pas prises en compte, pourraient ouvrir la voie à une contestation plus radicale, voire à un boycott du scrutin.
Alors que la publication définitive de la liste électorale est attendue pour le 20 juin, la Côte d’Ivoire se retrouve à un tournant. Entre la fermeté institutionnelle affichée par le pouvoir vie l’exclusion et la montée en puissance d’une opposition frustrée mais mobilisée, le risque d’une élection entachée de contestation est bien réel. Si l’exclusion électorale devient une arme politique récurrente, elle compromet non seulement la stabilité du processus démocratique mais aussi la paix sociale dans un pays encore marqué par les cicatrices de crises passées. La balle est désormais dans le camp des institutions : sauront-elles éviter une nouvelle impasse électorale ?
Tony A.