Le second mandat de Donald Trump s’annonce, comme le premier, marqué par une politique étrangère centrée sur l’ « America First ». Le projet de budget 2026 présenté le 2 mai à Washington confirme cette orientation, avec des coupes spectaculaires dans les dépenses publiques non-militaires, notamment celles tournées vers l’Afrique. La Banque africaine de développement, l’USAID ou encore le FIDA font partie des grandes victimes de ce réajustement budgétaire aux relents idéologiques.
Alors que les discours officiels justifient ces coupes par un recentrage sur les priorités américaines, les conséquences en Afrique pourraient être lourdes. Il s’agit notamment du recul de projets de développement, de fragilisation des systèmes de santé, limitation de l’accès aux financements pour les États les plus vulnérables. Derrière cette stratégie se joue en réalité un rééquilibrage des influences internationales, où les États-Unis risquent de perdre encore plus de terrain face à la Chine, la Russie ou la Turquie.
Des coupes budgétaires à l’impact concret sur le terrain africain
La suppression de plus de 555 millions de dollars de subventions au Fonds africain de développement, bras social de la Banque africaine de développement, est un signal fort. Les États-Unis se désengagent d’une logique multilatérale de soutien aux pays les plus pauvres. Ce guichet permet pourtant à des dizaines de pays africains d’accéder à des prêts bonifiés pour des projets d’infrastructures, d’éducation ou de transition énergétique. Cette coupe risque d’aggraver la vulnérabilité de ces États face aux crises économiques et climatiques.
Autre décision phare, la fin des financements aux programmes de planning familial via l’USAID, soit près de 2,5 milliards de dollars supprimés. Cette mesure, largement motivée par l’idéologie conservatrice du clan Trump, met en péril des décennies de progrès en matière de santé reproductive en Afrique. Des millions de femmes pourraient perdre l’accès à des services essentiels. Au-delà de l’aspect sanitaire, cette décision menace la stabilité démographique et sociale de plusieurs pays africains.
La réduction de l’enveloppe vers le Fonds international de développement agricole (FIDA) est aussi significative. Elle intervient à un moment où la souveraineté alimentaire est au cœur des politiques africaines, dans un contexte de hausse des prix et de dépendance accrue aux importations. Ce retrait avec des importantes coupes budgétaires, compromet des programmes essentiels à la résilience des zones rurales.
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Une stratégie isolationniste qui reconfigure les rapports de force internationaux
En opérant ce retrait, les États-Unis offrent un vide stratégique que d’autres puissances ne manqueront pas d’exploiter. La Chine, notamment, investit massivement dans les infrastructures, les énergies et les ressources africaines via ses propres institutions financières, comme l’Exim Bank ou la China Development Bank. Là où Washington recule, Pékin avance.
De même, la Russie et la Turquie renforcent leur présence politique et militaire sur le continent, profitant du désengagement occidental pour signer des accords bilatéraux sur la sécurité, les mines ou l’énergie. L’absence croissante des États-Unis dans les arènes multilatérales africaines pourrait ainsi marginaliser durablement leur voix et leur influence.
Il faut également souligner un paradoxe : l’Association internationale de développement (IDA) de la Banque mondiale, seule grande rescapée de cette purge budgétaire, reçoit 3,2 milliards de dollars. Cette exception montre que même l’administration Trump ne peut totalement se couper d’un minimum de coopération, surtout dans des zones où l’instabilité pourrait avoir des répercussions sécuritaires jusqu’aux frontières américaines.
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Le coût réel d’un repli budgétaire sur soi
Loin de n’être qu’un ajustement comptable, les coupes opérées par Donald Trump dans l’aide à l’Afrique traduisent un choix politique et stratégique. En rompant avec les dynamiques de coopération et d’aide au développement, les États-Unis prennent le risque de perdre leur rôle historique de partenaire de premier plan sur le continent.
L’Afrique, confrontée à des défis colossaux croissance démographique, urgence climatique, insécurité alimentaire n’attendra pas. Elle continuera de chercher des partenaires, quitte à tourner le dos à ceux qui la délaissent. Et ce repli américain pourrait bien, à terme, coûter plus cher à Washington qu’il ne lui rapporte.
Tony A.