L’annonce inattendue de Donald Trump de suspendre pour 90 jours une partie des nouveaux droits de douane américains a provoqué un soupir de soulagement dans plusieurs pays africains. Alors que l’Afrique du Sud s’apprêtait à voir ses exportations d’agrumes surtaxées à hauteur de 30 %, le recul américain est perçu comme une bouffée d’oxygène. En Côte d’Ivoire et à Madagascar, les gouvernements et les acteurs du secteur privé saluent également ce sursis, dans l’attente d’une éventuelle sortie durable de cette menace commerciale.
Mais derrière ce répit sur les droits de douane se cache une réalité plus complexe : l’instabilité des relations économiques entre l’Afrique et les États-Unis. Ce qui remet en question la viabilité de dépendre d’un seul partenaire, surtout quand celui-ci use des tarifs douaniers comme d’une arme politique. Plus qu’un soulagement ponctuel, cette situation montre l’urgence pour les économies africaines de redéfinir leur stratégie commerciale dans un monde multipolaire et imprévisible.
Un répit bienvenu pour les droits de douane, mais fragile
En Afrique du Sud, deuxième exportateur mondial d’agrumes, la suspension de la surtaxe a évité de justesse une crise pour les producteurs. L’association des producteurs, CGA, souligne que la hausse prévue de 30 % tombait au moment critique de la saison d’exportation. Même si la taxe globale de 10 % reste en vigueur, l’impact est moindre, d’autant plus que les producteurs sud-africains expédient leurs marchandises hors saison par rapport aux États-Unis. Ce délai de trois mois est donc vital, mais il reste incertain.
Dans l’automobile, un secteur stratégique pour l’économie sud-africaine, l’inquiétude demeure. La surtaxe mondiale de 25 % sur ce secteur n’a pas été levée, et l’instabilité des règles du jeu empêche les investisseurs de se projeter. Comme le rappelle Ayabonga Cawe de l’ITAC, cette imprévisibilité freine les décisions d’investissement à long terme. L’Afrique du Sud n’est pas la seule concernée par les droits de douanes américains : elle est le miroir d’une Afrique vulnérable aux fluctuations de la politique étrangère des grandes puissances.
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Une alerte pour diversifier les partenaires économiques
En Côte d’Ivoire, le gouvernement s’est voulu rassurant, rappelant que les exportations vers les États-Unis ne représentent que 4 % du commerce extérieur du pays. Pourtant, le secteur du cacao pilier économique national est potentiellement exposé à de futures mesures protectionnistes. Le ministre de l’Agriculture minimise les risques, mais reconnaît implicitement que la pression pourrait vite se répercuter sur les consommateurs finaux.
À Madagascar, la suspension des droits de douane à 47 % sur les exportations a été accueillie avec soulagement, tant par les autorités que par le secteur privé. Mais cette victoire est perçue comme temporaire. Le gouvernement malgache a lancé discrètement des négociations diplomatiques pour pérenniser l’annulation des surtaxes. Le message est clair : les pays africains doivent désormais anticiper les revirements des grandes puissances et se préparer à une diversification accélérée de leurs débouchés commerciaux.
La décision de Donald Trump de reculer sur les droits de douane offre un sursis stratégique à plusieurs économies africaines, mais elle ne résout rien sur le fond. Elle révèle, au contraire, la fragilité d’une dépendance excessive à un partenaire commercial aussi imprévisible. Pour l’Afrique, ce signal d’alerte doit servir de tremplin : en misant davantage sur les marchés intra-africains, asiatiques et européens, en renforçant la Zone de libre-échange continentale (ZLECAf), et en diversifiant ses filières de production, le continent peut transformer cette crise évitée en opportunité durable de réajustement économique.
Tony A.