Alors que la désinformation et la manipulation de contenus connaissent une expansion sans précédent en Afrique de l’Ouest, le Togo se retrouve au cœur d’une tempête numérique qui questionne à la fois la gouvernance, la responsabilité des médias et la résilience citoyenne. La rencontre tenue le 4 juillet à Lomé entre le gouvernement togolais et le corps diplomatique illustre bien l’ampleur d’un phénomène où fake news, deepfakes et relais médiatiques incontrôlés forment une redoutable combinaison.
Dans un contexte régional déjà tendu, marqué par la volatilité des réseaux sociaux comme catalyseurs de mouvements sociaux parfois violents, l’exécutif togolais met en garde contre la fracture entre la réalité vécue dans le pays et l’image souvent déformée qui circule à l’étranger, alimentée par une instrumentalisation politique et technologique du numérique.
La désinformation, un nouveau terrain d’instabilité
La dénonciation par Lomé de « deux Togo » l’un réel, l’autre virtuel indique un paradoxe saisissant : jamais l’information n’a circulé aussi vite, et pourtant la frontière entre véracité et fabrication devient plus poreuse. L’utilisation de la désinformation, de deepfakes, ces vidéos truquées d’un réalisme troublant. Aussi la multiplication de campagnes coordonnées sur les réseaux sociaux rappellent que le champ de bataille politique se déplace désormais dans la sphère numérique.
Pour le gouvernement, ces dérives via la désinformation ne relèvent plus seulement de la propagande classique, mais constituent une menace directe pour la cohésion sociale et la stabilité institutionnelle. Les accusations portées contre certains activistes opérant depuis l’étranger pointent une cyber-mobilisation qui échappe aux circuits légaux, jouant sur l’émotion et la viralité pour décrédibiliser les autorités.
Dans ce climat, la capacité du citoyen lambda à distinguer l’information vérifiée du contenu manipulé devient un enjeu démocratique majeur. L’affaire interpelle aussi sur la vulnérabilité des systèmes électoraux et des processus politiques à ces nouvelles armes informationnelles.
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Le dilemme de la responsabilité
Si le Togo appelle à la responsabilité médiatique, c’est bien parce qu’un relais aveugle d’informations non sourcées ou sensationnalistes alimente une spirale de méfiance et de tensions. Dans plusieurs crises africaines récentes, l’emballement médiatique et la désinformation ont souvent aggravé les divisions au lieu de les apaiser. La mise au point orchestrée par Robert Dussey et les ministres sectoriels visait donc à rappeler aux partenaires étrangers et aux chancelleries le rôle pivot qu’ils jouent dans la diffusion d’un narratif équilibré. En recevant le corps diplomatique, Lomé entend prévenir une cristallisation des positions qui pourrait déboucher sur des ingérences injustifiées ou des interprétations biaisées.
Mais au-delà du discours officiel, la question reste posée. Comment concilier liberté d’expression, pluralité des opinions et lutte contre les infox, sans verser dans une censure qui minerait la crédibilité démocratique ? La réponse se situe sans doute dans un renforcement de l’éducation numérique et du journalisme de vérification, ainsi que dans une coopération internationale plus musclée face aux menaces hybrides.
L’affaire des deepfakes et des campagnes de désinformation qui secouent le Togo rappelle que le défi n’est plus seulement technologique ou sécuritaire, mais fondamentalement politique et éthique. Dans un monde interconnecté où quelques clics suffisent à faire vaciller des équilibres fragiles, l’appel de Lomé à la responsabilité collective résonne bien au-delà de ses frontières.