La mort de David Mabuza, annoncée le 3 juillet 2025, marque la disparition d’une figure aussi discrète qu’incontournable de la politique sud-africaine. Vice-président de la République de 2018 à 2023, Mabuza, décédé à l’âge de 64 ans, laisse derrière lui une empreinte complexe au sein du Congrès national africain (ANC) et du paysage institutionnel sud-africain.
Surnommé « le chat » pour sa capacité à retomber sur ses pattes, David Mabuza était connu pour ses manœuvres politiques en coulisses, ses réseaux régionaux solides dans le Mpumalanga, sa province d’origine, et son rôle de faiseur de rois qui permit à Cyril Ramaphosa d’accéder au pouvoir en 2018. Sa disparition interroge aujourd’hui sur l’avenir de ces équilibres fragiles, au moment où l’ANC traverse une période de turbulences.
David Mabuza, faiseur de rois, roi sans couronne
David Mabuza incarne l’archétype du stratège de l’ombre en politique. Longtemps à la tête du Mpumalanga, province qu’il a transformée en bastion électoral pour l’ANC, il a bâti son influence sur un réseau de loyautés locales et de compromis nationaux. C’est ce capital politique qu’il monnaya habilement lors de la conférence élective de 2017, où son soutien à Cyril Ramaphosa fut déterminant pour faire basculer la balance face à Nkosazana Dlamini-Zuma. Sa récompense : le poste de vice-président de l’ANC puis de la République.
Toutefois, derrière la façade d’un homme de consensus se cache un héritage controversé, entaché par des accusations récurrentes de clientélisme et de gouvernance opaque. Pour beaucoup, Mabuza a incarné cette culture de la transaction politique au sein de l’ANC, entre fidélités locales et ambitions nationales.
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Une mort qui fragilise davantage l’ANC ?
La disparition de David Mabuza survient à un moment charnière pour le Congrès national africain. Ébranlé par des résultats électoraux en berne, fragilisé par des divisions internes et sous le feu des critiques pour sa gestion économique, le parti au pouvoir perd l’un de ses équilibristes les plus expérimentés.
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Certes, Mabuza s’était retiré de la scène politique après sa démission en 2023, mais il avait opéré un retour remarqué à la veille des élections de 2024, mobilisant encore son réseau pour défendre la bannière de l’ANC. Sa disparition risque d’ouvrir un vide dans certaines régions clés où son influence restait forte. À moyen terme, sa mort met aussi en lumière la nécessité pour le parti de renouveler sa classe dirigeante et de réinventer ses modes de gouvernance pour restaurer la confiance d’un électorat lassé par la corruption et les luttes de factions.
En disparaissant, David Mabuza emporte avec lui une part du mythe des faiseurs de rois, ces hommes capables de peser lourd sans jamais s’exposer totalement. Son parcours rappelle que l’ANC doit se débarrasser de ses vieux réflexes de clans et de stratégies de couloirs s’il veut préserver son autorité morale et politique. Au-delà de l’hommage rendu à celui qui fut vice-président et acteur clé d’une transition interne, le décès de Mabuza questionne plus largement la résilience de l’ANC et de la démocratie sud-africaine, à l’heure où le pays cherche une gouvernance plus transparente et plus proche des aspirations de sa jeunesse.
Sandrine A.