La fièvre aphteuse, longtemps redoutée des éleveurs, frappe de plein fouet l’Afrique du Sud. Hautement contagieuse et économiquement dévastatrice, cette maladie virale touche de nombreuses provinces, provoquant une réaction d’urgence des autorités. À travers une campagne nationale de vaccination, le gouvernement tente de contenir l’épidémie et de limiter les pertes dans un secteur stratégique.
Le bétail représente bien plus qu’un simple atout agricole dans l’économie sud-africaine. Il est au cœur d’un tissu industriel complexe, qui va de l’élevage à l’exportation, en passant par l’abattage, la transformation et la distribution. La paralysie actuelle, symbolisée par la mise en quarantaine de géants comme Karan Beef, expose les risques systémiques que peut provoquer une crise sanitaire mal anticipée.
Une chaîne de valeur bovine à l’arrêt
À Karan Beef, leader national de l’élevage, l’arrêt des expéditions et des abattages a transformé une plateforme industrielle en site clos. La campagne de vaccination lancée en urgence vise à contenir le virus, mais les dégâts sont déjà visibles. Les prix de la viande flambent, les consommateurs souffrent, et les pertes cumulées pour les éleveurs atteignent plusieurs centaines de millions de rands. La crise vient frapper un secteur déjà exposé à l’inflation générale et aux tensions post-Covid.
Plus grave encore, la fermeture des frontières commerciales avec des pays partenaires tels que la Chine, la Namibie ou le Zimbabwe crée un manque à gagner massif et compromet l’image sanitaire du pays à l’international. La fièvre aphteuse devient ainsi un risque de réputation autant qu’un enjeu vétérinaire, susceptible de remettre en cause des années de travail pour positionner la viande sud-africaine sur les marchés mondiaux.
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Vers une redéfinition des priorités sanitaires
Sur le terrain, les vétérinaires agissent dans l’urgence : quarantaines, isolement, contrôles stricts. Mais les professionnels s’accordent sur un point. La prévention contre la fièvre aphteuse n’était pas à la hauteur. Le Dr Wynton Rabolao, en première ligne à Gauteng, souligne le manque de préparation structurelle et de coordination interprovinciale. Face à l’ampleur de la menace, des voix s’élèvent désormais pour réclamer la déclaration d’un état d’urgence sanitaire.
Une telle décision permettrait de débloquer des fonds, d’accélérer la logistique vaccinale, et de mettre en œuvre des stratégies robustes de confinement. Au-delà de la réponse immédiate, cette crise pourrait servir de révélateur : l’Afrique du Sud doit renforcer sa politique de biosécurité agricole et inscrire la résilience sanitaire au cœur de sa stratégie économique. Car au fond, ce n’est pas seulement l’élevage qui est en jeu, mais la capacité du pays à garantir sa souveraineté alimentaire.
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La fièvre aphteuse, une épidémie révélatrice d’un enjeu national
La fièvre aphteuse n’est pas un simple épisode vétérinaire. Elle met à nu les fragilités d’un système agro-économique clé, révélant combien la santé animale est indissociable des équilibres économiques et sociaux. Dans un pays où la viande est aussi un pilier culturel et nutritionnel, chaque bovin infecté devient un symbole de vulnérabilité.
Cette crise pourrait cependant être un tournant. Si les autorités prennent la mesure du choc et y répondent avec ambition et coordination, l’Afrique du Sud pourrait renforcer son dispositif sanitaire et reconstruire la confiance avec ses partenaires. À défaut, la fièvre aphteuse ne sera que le premier symptôme d’une fragilité plus profonde.
Sandrine A.