Le verdict est tombé : Paul Biya, 92 ans, demeure président du Cameroun. Le Conseil constitutionnel a officialisé, ce lundi 27 octobre, sa victoire à l’élection présidentielle du 12 octobre avec 53,66 % des voix, contre 35,19 % pour son principal rival, Issa Tchiroma Bakary. Une annonce qui confirme ce que beaucoup pressentaient déjà : la continuité du pouvoir, plus que le choix de l’alternance.
Mais derrière ces chiffres, c’est un pays partagé entre résignation, fidélité et quête d’avenir qui se dessine. Cette huitième victoire consacre un règne commencé en 1982, faisant de Paul Biya l’un des dirigeants les plus anciens au monde encore en exercice. Et si la stabilité reste l’argument central de ses partisans, la lassitude d’une partie de la population et les tensions politiques sous-jacentes posent la question d’un futur incertain.
Une victoire de Paul Biya sans surprise mais pleine de symboles
La réélection de Paul Biya apparaît comme la confirmation d’un système solidement ancré. Depuis plus de quatre décennies, l’appareil d’État camerounais s’est structuré autour de son autorité, rendant tout changement difficile à envisager sans lui. Sa victoire, acquise avec plus de 53 % des voix, traduit à la fois le poids de cette machine politique et la division d’une opposition encore fragmentée et souvent affaiblie par les restrictions administratives.
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Le scrutin du 12 octobre, bien que globalement calme, a été marqué par un taux de participation modéré et des contestations précoces venues du camp Tchiroma. Ce dernier, qui revendiquait la victoire avant même l’annonce des résultats, a appelé ses partisans à manifester, signe d’un climat politique tendu. Pourtant, le Conseil constitutionnel, fidèle à sa réputation de rempart du pouvoir en place, a validé sans réserve la victoire du président sortant.
Pour les partisans de Biya, cette réélection incarne la stabilité et la continuité dans un contexte régional fragile. Pour ses opposants, elle symbolise au contraire la confiscation du pouvoir et la stagnation politique d’un pays à fort potentiel.
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Stabilité politique ou essoufflement démocratique ?
Quarante-trois ans de règne. Le chiffre suffit à illustrer la longévité exceptionnelle de Paul Biya. Mais cette longévité interroge la vitalité démocratique du Cameroun. La jeunesse, qui constitue près de 70 % de la population, se reconnaît de moins en moins dans une gouvernance héritée d’un autre temps. Le décalage entre les aspirations sociales et le discours politique officiel alimente une frustration croissante, notamment dans les grandes villes et les régions anglophones toujours marquées par les tensions séparatistes.
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Sur le plan institutionnel, cette nouvelle réélection prolonge une ère où la question de la succession reste taboue. Le parti au pouvoir, le RDPC, s’appuie sur une stabilité relative pour séduire les électeurs, mais peine à répondre aux défis économiques et sociaux d’un pays en quête de renouveau. Les infrastructures vieillissent, le chômage des jeunes explose, et les promesses de modernisation s’enlisent.
Cette victoire, si elle garantit la continuité, ne dissipe pas les incertitudes. Au contraire, elle montre la nécessité pour le Cameroun d’engager une véritable transition politique maîtrisée, pacifique et inclusive avant qu’elle ne s’impose dans la rue ou par la crise. Paul Biya entre dans son huitième mandat comme on entre dans un nouveau chapitre d’un même livre. Sa victoire, prévisible mais symbolique, scelle une fois de plus la domination d’un pouvoir rodé à la maîtrise des institutions. Pourtant, le temps n’est plus seulement à la célébration de la stabilité. Il est à la préparation de l’après-Biya. Car au-delà des urnes, une question plane sur Yaoundé et dans tout le pays : qui incarnera le Cameroun de demain ?
Le scrutin du 12 octobre n’a pas clos le débat politique il ne fait que le repousser. Et si la continuité reste aujourd’hui la règle, l’Histoire, elle, finira tôt ou tard par réclamer le changement.
Tony A.

