Un blocus jihadiste et le silence des cours d’école résonne désormais à travers tout le Mali. Le dimanche 26 octobre 2025, les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur ont annoncé la suspension des cours à tous les niveaux, pour deux semaines, à cause d’une pénurie de carburant devenue critique. Les élèves et étudiants, déjà confrontés à des années d’instabilité sécuritaire et institutionnelle, voient une fois de plus leur parcours éducatif interrompu cette fois, non pas par les armes, mais par un blocus énergétique.
Derrière cette mesure exceptionnelle se cache une crise bien plus profonde. Il s’agit notamment de celle d’un pays pris en otage entre les besoins vitaux de sa population et la guerre asymétrique menée par les groupes jihadistes du Sahel. Le blocus imposé depuis septembre par le Jnim, branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, perturbe non seulement l’approvisionnement en carburant, mais menace désormais le fonctionnement même de l’État malien.
L’école, victime collatérale d’une guerre économique et stratégique
L’éducation, déjà fragilisée par les années de conflit, subit aujourd’hui les conséquences directes d’un affrontement d’un nouveau genre. Le Jnim, en s’attaquant aux camions-citernes et aux voies d’approvisionnement depuis le Sénégal et la Côte d’Ivoire, exerce à travers son blocus une pression inédite sur Bamako. Cette stratégie vise à asphyxier économiquement le pays, à semer le désordre dans la vie quotidienne et à démontrer la capacité des jihadistes à influer sur des secteurs essentiels.
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Privées de carburant, les écoles se vident. Conséquences, enseignants, élèves et étudiants peinent à se déplacer. Les transports publics fonctionnent au ralenti, les générateurs manquent de carburant, et les internats sont incapables d’assurer leur logistique. Cette paralysie du système éducatif démontre la vulnérabilité d’un État dont les services de base dépendent encore largement de ressources importées et d’un réseau d’approvisionnement extérieur instable.
Au-delà du symbole, cette suspension porte un coup dur à la jeunesse malienne. Dans un pays où plus de 65 % de la population a moins de 25 ans, l’école demeure le dernier rempart contre la radicalisation et la précarité. Chaque jour sans cours fragilise cet équilibre déjà précaire et offre un terrain fertile aux discours extrémistes.
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Un blocus révélateur
Il faut également souligner que la pénurie actuelle ne se limite pas à un simple manque de combustible. Elle expose surtout la dépendance du Mali à ses voisins côtiers. Enclavé, le pays dépend entièrement des corridors logistiques qui passent par le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Bénin. Le blocus du Jnim révèle donc une faille stratégique : celle d’un modèle économique et énergétique vulnérable, sans alternatives locales ni réserves suffisantes pour affronter une crise prolongée.
Sur le plan institutionnel, la réaction des autorités montre la difficulté de concilier gestion de crise et continuité du service public. Si la suspension des cours vise à protéger enseignants et apprenants, elle illustre aussi le manque de résilience des infrastructures éducatives face à un choc externe. Le gouvernement promet un réaménagement du calendrier scolaire, mais combien de fois encore faudra-t-il « réaménager » l’avenir de toute une génération ?
Enfin, cette situation interroge la stratégie énergétique du Mali. Dans un contexte de transition mondiale, le pays peine à diversifier ses sources d’énergie. La crise actuelle pourrait, paradoxalement, devenir un signal d’alarme. Celui d’investir dans des alternatives locales, comme le solaire ou le biocarburant, n’est plus un choix, mais une nécessité vitale.
Tony A.

