Le Rwanda a annoncé, ce mardi 18 février, la suspension de sa coopération de développement avec la Belgique. Cette décision marque un nouveau tournant dans les relations tendues entre les deux pays, alimentées par des désaccords croissants sur le conflit à l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Alors que Bruxelles accuse Kigali de violer l’intégrité territoriale de la RDC, le Rwanda dénonce une campagne orchestrée pour lui couper l’accès au financement du développement. Cette rupture diplomatique pourrait avoir des conséquences stratégiques majeures sur la coopération régionale et internationale.
Un divorce diplomatique aux origines profondes
L’annonce de Kigali n’est pas une surprise pour les observateurs avertis des relations belgo-rwandaises. Depuis plusieurs années, les tensions n’ont cessé de s’accumuler entre les deux pays, autrefois liés par une coopération historique. En cause, la position de plus en plus critique de la Belgique à l’égard du rôle du Rwanda dans le conflit à l’est de la RDC. Bruxelles a été l’un des principaux soutiens à la mise en place de sanctions contre Kigali au sein de l’Union européenne, accusant le pays de Paul Kagame de soutenir le groupe rebelle M23.
Le communiqué rwandais est sans équivoque : la Belgique aurait mené « une campagne agressive aux côtés de la RDC, visant à saboter l’accès du Rwanda au financement du développement ». Pour Kigali, cette ingérence justifie la suspension du programme d’aide bilatérale pour la période 2024-2029. Ce programme, qui englobait plusieurs initiatives de développement, notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’agriculture, est désormais gelé, illustrant la gravité de la crise diplomatique.
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Les répercussions d’une rupture stratégique
Au-delà des tensions politiques, la suspension de cette coopération pourrait avoir un impact significatif sur les programmes de développement au Rwanda. La Belgique était l’un des principaux partenaires européens du pays, finançant des projets cruciaux à travers l’Agence belge de développement (Enabel). La fin de cette collaboration soulève des interrogations sur la manière dont Kigali compte compenser ces pertes financières.
De son côté, Bruxelles tente de minimiser l’effet de cette annonce. Le ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévot, a rappelé que la Belgique était déjà en train de réévaluer son programme d’aide en raison des accusations portées contre Kigali. Il souligne que « cette décision du Rwanda anticipe simplement des mesures que la Belgique aurait prises de toute façon ». Toutefois, cette rupture pourrait accentuer l’isolement diplomatique du Rwanda sur la scène européenne, au moment où d’autres pays, comme la France et l’Allemagne, adoptent une posture plus prudente vis-à-vis de Kigali.
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Une crise aux implications régionales et internationales
La détérioration des relations belgo-rwandaises pourrait avoir des conséquences au-delà des deux pays concernés. En Afrique centrale, cette crise diplomatique s’inscrit dans un contexte plus large de tensions régionales, où la RDC cherche à rallier un maximum d’alliés contre l’influence présumée du Rwanda dans l’instabilité à l’est du pays. Cette dynamique pourrait renforcer l’axe RDC-Belgique et intensifier la pression internationale sur Kigali.
Sur le plan diplomatique, l’absence d’ambassadeurs dans les deux capitales depuis plusieurs mois témoigne d’une rupture profonde. Depuis le refus de la Belgique d’accréditer Vincent Karega en 2023, le Rwanda n’a pas désigné de nouvel ambassadeur à Bruxelles. En réponse, la Belgique a également laissé vacant son poste à Kigali depuis juillet 2024. Cette situation symbolise la difficulté des deux pays à maintenir un dialogue ouvert.
Pour le moment la situation continue d’évoluer, mais une question demeure : cette rupture est-elle temporaire ou marque-t-elle le début d’un divorce définitif entre les deux nations ? Dans un contexte où le Rwanda cherche à diversifier ses partenariats internationaux, notamment avec la Chine et les États-Unis, l’influence de la Belgique dans la région risque de s’affaiblir. Reste à voir si des initiatives diplomatiques permettront d’apaiser les tensions ou si cette crise amorce une recomposition durable des alliances en Afrique centrale.
Tony A.