Tshisekedi cherche-t-il du renfort militaire tchadien contre le M23 ? La visite de Didier Mazenga au Tchad, en tant qu’envoyé spécial du président congolais Félix Tshisekedi, n’est pas anodine. Si la présidence tchadienne met en avant une simple visite diplomatique pour saluer la transition politique du pays, la réalité semble plus stratégique. Alors que le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu par le Rwanda, gagne du terrain dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), Kinshasa cherche des alliances pour contrer cette avancée.
Il faut souligner que les relations entre le Tchad et la RDC sont marquées par une proximité croissante entre Félix Tshisekedi et Mahamat Idriss Déby. L’avenue portant le nom du président congolais à Ndjamena symbolise cette amitié renforcée. Toutefois, ce rapprochement a également une dimension militaire et stratégique, notamment dans le contexte actuel où Kinshasa est en difficulté face à la progression du M23.
Une demande d’aide militaire sous-jacente de Tshisekedi ?
Selon une source proche du dossier, le message remis par Didier Mazenga au président tchadien contenait une demande d’aide militaire. Cette hypothèse, bien que non confirmée officiellement, est plausible. Tshisekedi sait qu’il a besoin d’un soutien militaire efficace pour empêcher la prise de nouveaux territoires par le M23. Le Tchad, avec son expérience militaire et son rôle stabilisateur dans la région du Sahel, pourrait représenter un allié de poids.
Néanmoins, une telle alliance comporte des risques. Une intervention militaire tchadienne en RDC risquerait d’attiser encore davantage les tensions régionales, notamment avec le Rwanda. Paul Kagame, qui a récemment accusé Félix Tshisekedi de vouloir armer son pays contre Kigali, pourrait y voir une provocation directe.
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Les implications régionales et diplomatiques
L’éventualité d’une coopération militaire entre le Tchad et la RDC soulève plusieurs interrogations. D’une part, elle reflète l’isolement diplomatique croissant de Kinshasa, qui peine à mobiliser une réponse ferme au niveau de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) et de l’Union africaine (UA). L’option tchadienne pourrait être perçue comme une réponse à l’inaction de ces instances.
D’autre part, une telle alliance pourrait redessiner les équilibres de la région. Le Tchad, traditionnellement plus impliqué dans les crises du Sahel, n’a pas d’antécédents d’intervention en Afrique centrale. Une implication dans le conflit congolais marquerait un tournant dans sa politique étrangère et pourrait également lui attirer des représailles de la part des alliés de Kigali.
En outre, la France et d’autres partenaires internationaux, qui soutiennent historiquement le Tchad dans sa lutte contre le terrorisme au Sahel, pourraient voir cette potentielle intervention d’un mauvais œil. L’engagement militaire tchadien en RDC pourrait détourner Ndjamena de ses missions prioritaires et fragiliser son propre front sécuritaire.
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Une alliance en gestation ?
Si le Tchad n’a pas officiellement répondu à la demande congolaise, les déclarations de Mahamat Idriss Déby affichant son soutien à la souveraineté de la RDC laissent entendre une ouverture. Une collaboration militaire entre les deux pays, même limitée à des échanges de renseignements ou à une assistance technique, pourrait se concrétiser dans les mois à venir. Toutefois, Tshisekedi doit également composer avec les pressions internationales. Washington, Bruxelles et l’ONU restent vigilants quant aux tensions dans la région et pourraient dissuader toute intervention étrangère susceptible d’aggraver le conflit.
Dans ce contexte, la visite de Didier Mazenga est loin d’être anodine. Elle marque une nouvelle étape dans la recherche d’alliés par Kinshasa pour faire face au M23, tout en révélant les dynamiques complexes des alliances africaines. L’avenir dira si cette amitié entre la RDC et le Tchad se traduira par un soutien militaire concret ou s’il ne s’agit que d’une manœuvre diplomatique destinée à mettre la pression sur la communauté internationale.
Tony A.