Le général Abdourahamane Tiani, chef du CNSP, a clôturé les Assises nationales pour la refondation du Niger le 20 février, marquant une étape clé dans l’orientation politique du pays. Parmi les recommandations majeures, la fixation d’une transition d’au moins cinq ans, renouvelable, suscite de vives interrogations. Tiani et son conseil justifient cette durée par la nécessité d’une reconstruction institutionnelle en profondeur. Toutefois, pour de nombreux observateurs, cette décision pourrait surtout servir à consolider le pouvoir de la junte militaire au détriment d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
L’annonce de la dissolution des 172 partis politiques du pays est un autre tournant radical. Sous couvert de refondation, cette mesure remet en question le pluralisme démocratique au Niger. Officiellement, l’objectif est d’assainir le paysage politique et d’instaurer une nouvelle Constitution. Cependant, la mise en place d’un régime dominé par l’armée pourrait fragiliser davantage les institutions démocratiques.
Abdourahamane Tiani : vers une légitimation de son pouvoir ?
Le chef de la junte, Abdourahamane Tiani, devient de facto président de la République, malgré l’absence d’élections démocratiques. Ce glissement institutionnel rappelle les transitions au Mali et au Burkina Faso, où les chefs militaires ont consolidé leur pouvoir après des coups d’État. Le parallèle avec Assimi Goïta, promu général cinq étoiles au Mali, est frappant, d’autant plus que Tiani pourrait bénéficier du même honneur.
Dans son discours de clôture, Tiani s’est montré déterminé à appliquer les recommandations des Assises, affirmant agir avec « dévouement vis-à-vis de son pays ». En accordant une amnistie aux auteurs du coup d’État de juillet 2023 et en leur permettant d’être éligibles à de futures élections, la transition semble s’orienter vers une protection renforcée du pouvoir militaire. Cette mesure, bien que controversée, garantit la stabilité immédiate du régime mais pose la question de l’avenir politique du Niger au-delà de cette période transitoire.
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Une refondation aux implications multiples
Les Assises ont également abouti à une recommandation majeure : la reconnaissance officielle de l’islam comme religion majoritaire. Ce choix, bien que conforme à la réalité sociologique du pays, pourrait soulever des débats quant à la laïcité de l’État et aux équilibres religieux. En parallèle, la future Charte de la Transition devra définir les contours de la nouvelle Constitution, précisant les modalités de gouvernance et les perspectives d’un éventuel retour à un régime civil.
Sur le plan régional, ces décisions renforcent l’isolement du Niger vis-à-vis des institutions ouest-africaines. La CEDEAO, qui avait déjà sanctionné le pays après le coup d’État, pourrait voir dans cette transition prolongée une entrave au retour à l’ordre constitutionnel. Le soutien d’alliés comme le Mali et le Burkina Faso sera donc déterminant pour la posture du Niger sur l’échiquier diplomatique.
Si les Assises nationales ont tracé la feuille de route du régime militaire, les implications restent incertaines. La transition de cinq ans, la dissolution des partis et l’amnistie des putschistes marquent une rupture avec les principes démocratiques antérieurs. La question demeure : cette refondation mènera-t-elle à un renforcement des institutions ou à une pérennisation du pouvoir militaire ? Dans un contexte où la stabilité politique est cruciale pour le développement du pays, la légitimité du régime dépendra de sa capacité à assurer une gouvernance efficace et inclusive. Le défi pour les Nigériens sera de concilier refondation et aspirations démocratiques, tout en naviguant dans un environnement régional en pleine recomposition.
Tony A.