L’annonce était attendue, elle est désormais officielle : le général Abdourahamane Tiani convoque des assises nationales du 15 au 19 février 2024. Objectif, définir les contours de la Transition au Niger. Avec 674 délégués soigneusement sélectionnés par les militaires, mais sans les partis politiques, suspendus depuis le coup d’État de juillet 2023, cette grande consultation suscite interrogations et enjeux majeurs.
Les assises nationales, bien que présentées comme un espace de réflexion collective sur l’avenir du pays, restent sous le contrôle des autorités militaires. Le décret signé par le général Tiani précise la mise en place d’une commission dirigée par un chef traditionnel, Mamoudou Harouna Djingarey, et épaulée par un vice-président militaire, le colonel-major Maman Souley. Loin d’un cadre pluraliste, la composition du bureau montre une volonté de conserver un strict encadrement sur les débats.
Une transition verrouillée par la junte
L’absence des partis politiques soulève des critiques quant à la légitimité de ces assises. En les excluant, la junte renforce l’idée d’un processus de Transition orienté et sans réelle opposition. Pourtant, les décisions issues de ces travaux pourraient déterminer l’avenir du Niger pour plusieurs années, notamment en ce qui concerne la durée de la transition et les futures échéances électorales.
Les 674 délégués seront répartis en cinq commissions abordant des thématiques clés telles que l’économie, la refondation politique et institutionnelle, ainsi que la justice et les droits de l’homme. L’un des enjeux majeurs sera la rédaction d’une charte de la transition, qui fixera les règles du jeu pour les mois, voire les années à venir.
Parmi les questions sensibles figure la durée de la transition. Lors de sa prise de pouvoir, le général Tiani avait évoqué un délai pouvant aller jusqu’à trois ans. Cette perspective suscite des craintes tant au sein de la communauté internationale que chez certains acteurs nationaux, qui redoutent un prolongement du pouvoir militaire sans garanties de retour à un régime civil.
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Des assises nationales sous influence
Le fait que plusieurs personnalités aient appris leur nomination à ces assises par la télévision sans consultation préalable alimente les doutes sur leur indépendance. De plus, la participation de figures issues de la société civile favorables à la junte, comme Ibrahim Assane Mayaki et Abdoulaye Seyni du mouvement M62, illustre une volonté d’encadrer le débat en faveur du pouvoir en place.
L’autre grande inconnue concerne le rôle du général Tiani lui-même. Pourra-t-il briguer un poste lors des prochaines élections ? L’issue des assises devrait éclaircir ce point. Si elles lui ouvrent la voie à une candidature, cela renforcerait les soupçons d’une Transition taillée sur mesure pour prolonger son règne. Les conclusions de ces assises seront scrutées par la communauté internationale, qui a déjà exprimé ses préoccupations sur la trajectoire du Niger depuis le coup d’État. Un calendrier électoral précis et une limitation stricte de la Transition seraient des signaux rassurants pour un retour progressif à l’ordre constitutionnel.
En attendant, ces assises marquent une étape cruciale pour le Niger. Elles pourraient être l’occasion d’une réorganisation politique ambitieuse ou, au contraire, d’un renforcement du pouvoir militaire. Leur légitimité dépendra de leur capacité à inclure toutes les voix du pays et à garantir une Transition crédible et transparente.
Tony A.