Le Burundi, longtemps discret sur son engagement militaire en République démocratique du Congo (RDC), assume désormais pleinement son rôle aux côtés de Kinshasa. Depuis la signature d’un accord de coopération militaire en septembre 2023, Gitega a déployé environ 10 000 soldats dans l’est de la RDC, notamment pour affronter le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda. Un renfort stratégique qui vient officialiser une présence militaire jusque-là secrète et qui confirme la montée en puissance du Burundi en tant qu’acteur régional clé dans ce conflit.
Le dernier déploiement en date concerne le 22e TAFOK (Task Force), actuellement en regroupement à Gatumba avant son envoi à Bukavu, capitale du Sud-Kivu. Avec ce nouveau contingent, le nombre total de bataillons burundais en RDC atteint seize, soit une force estimée entre 8 000 et 12 000 soldats. Une présence militaire qui modifie les équilibres sur le terrain et renforce la position du Burundi dans la gestion de la crise sécuritaire congolaise.
Une alliance stratégique face au M23 et aux rebelles burundais
L’implication du Burundi répond à une double nécessité : soutenir Kinshasa contre le M23 et lutter contre les rebelles burundais du RED-Tabara, actifs dans les Hauts et Moyens-Plateaux de Fizi et Uvira. Cinq bataillons burundais sont ainsi directement engagés dans la traque de ces groupes, marquant une extension des opérations militaires burundaises au-delà des simples intérêts congolais.
Le gros du contingent burundais, lui, est intégré dans la défense de Bukavu pour tenter d’endiguer l’avancée du M23. Ce régiment, commandé par le général Pontien Hakizimana, alias Mingi, est composé de quatre brigades réparties sur des zones sensibles comme Kalehe, Kamanyola et Kavumu. Malgré des capacités militaires reconnues, la Task Force burundaise souffre d’un manque de ravitaillement et d’équipements, ce qui complique ses opérations sur le terrain.
L’engagement militaire du Burundi en RDC modifie profondément la donne régionale. Jusqu’ici, Gitega était perçu comme un acteur discret dans les conflits régionaux. Désormais, il s’affirme comme un partenaire stratégique de Kinshasa, au risque de froisser Kigali. Le Rwanda, accusé de soutenir le M23, pourrait percevoir cette montée en puissance burundaise comme une menace à ses propres intérêts.
Cette situation risque d’intensifier les tensions diplomatiques dans la région. La rivalité historique entre le Burundi et le Rwanda pourrait ainsi se traduire par une escalade militaire indirecte en RDC, avec le risque d’un élargissement du conflit. Par ailleurs, la montée en puissance du Burundi dans l’est congolais pourrait renforcer sa position sur la scène diplomatique africaine, notamment dans les initiatives de médiation régionales.
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Quels impacts pour la RDC et la sous-région ?
Pour la RDC, l’appui burundais représente une aide précieuse face au M23, mais pose aussi la question d’une dépendance croissante envers des forces étrangères pour sa propre sécurité. Si l’engagement burundais permet de contenir certaines avancées du M23, il ne règle pas pour autant les causes profondes du conflit, liées à la gouvernance locale, à l’exploitation des ressources et aux rivalités ethniques.
L’augmentation du nombre de bataillons étrangers en RDC pousse également à s’interroger sur la souveraineté du pays. Avec le Burundi, mais aussi d’autres forces étrangères présentes sur le sol congolais, Kinshasa risque de voir son autorité contestée, notamment par l’opposition et certaines franges de la société civile.
Si l’intervention burundaise a permis de stabiliser certains fronts, son avenir reste incertain. Le manque d’équipement et de logistique pourrait limiter l’efficacité de la Task Force burundaise à moyen terme, alors que les combats se poursuivent avec intensité. De plus, l’évolution des relations entre la RDC, le Burundi et le Rwanda sera déterminante pour la suite du conflit.
À l’heure où les tensions régionales s’exacerbent, le rôle du Burundi en RDC constitue un tournant géopolitique majeur. Reste à savoir si cette alliance militaire permettra une pacification durable de l’est congolais ou si elle ne fera qu’ajouter un nouvel acteur à un conflit déjà complexe.
Tony A.