Depuis leur accession au pouvoir en mars 2024, le tandem politique formé par Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye symbolisait une nouvelle ère. Une promesse de rupture avec les vieilles pratiques politiques au Sénégal. Cette alliance Sonko–Faye, forgée dans les épreuves de l’opposition et consolidée par une victoire électorale inattendue, s’effrite. Pourtant sous les projecteurs d’une réalité gouvernementale plus complexe que prévu, la friction se ressent. Les signes de friction entre les deux figures se multiplient, alimentés par des critiques acerbes et des non-dits qui jettent le doute sur l’unité de l’exécutif.
Si le président Faye se veut rassurant et affiche une sérénité de façade, affirmant qu’il n’existe « aucun problème » avec son Premier ministre, les discours de ce dernier et l’agitation croissante de leurs partisans suggèrent l’inverse. Au-delà des mots, c’est toute la mécanique d’une cohabitation inédite Sonko–Faye, à la fois politique et affective, qui semble grippée, révélant un fossé entre la loyauté d’hier et les frustrations d’aujourd’hui.
Friction et crise de confiance entre Sonko–Faye
La friction entre les deux hommes se cristallisent autour d’un thème central : la légitimité. Pour une partie des militants du Pastef, Bassirou Diomaye Faye n’est président que grâce au charisme et à la combativité d’Ousmane Sonko. Cette perception, largement relayée sur les réseaux sociaux, place le chef de l’État dans une position inconfortable, constamment sommé de « reconnaître » sa dette politique. Ces rappels récurrents, parfois violents, affaiblissent son autorité, notamment lorsque les critiques viennent de son propre camp.
De son côté, Sonko ne fait rien pour éteindre l’incendie. En déclarant que le Sénégal manque d’autorité et en se plaignant publiquement d’un soutien insuffisant de Faye face aux attaques qu’il subit, il expose leur divergence de vue. Le problème n’est donc pas simplement personnel, il est institutionnel. Sonko laisse entendre qu’il est un Premier ministre à pouvoirs limités, suggérant une impuissance politique qui remet en question l’efficacité du duo exécutif.
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Une gouvernance fragilisée et des lendemains incertains
Ces tensions entre Sonko–Faye ne sont pas sans conséquence pour la stabilité gouvernementale. L’image d’un pouvoir bicéphale mais cohérent est égratignée. L’opinion publique, qui avait placé de grands espoirs dans cette nouvelle gouvernance, commence à s’interroger. Les signaux envoyés par cette rivalité larvée sont perçus comme des failles dans la gestion de l’État, et nourrissent les inquiétudes sur la capacité réelle du gouvernement à faire face aux urgences économiques, sociales et sécuritaires du pays.
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Politiquement, la situation profite à l’opposition, qui n’hésite pas à exploiter les dissensions au sommet pour décrédibiliser les réformes en cours. À moyen terme, la fracture entre Sonko–Faye pourrait également compromettre la pérennité du projet politique du Pastef, et remettre en cause l’équilibre fragile d’une majorité qui repose largement sur la confiance des électeurs dans l’unité des deux leaders.
Une rupture inévitable ou une recomposition stratégique ?
Le Sénégal se trouve aujourd’hui face à un paradoxe. Jamais le pays n’avait connu un tandem aussi attendu, aussi prometteur, mais aussi vulnérable aux querelles internes. Si la rupture entre Sonko–Faye venait à se confirmer, elle ne serait pas seulement une question de personnes, mais le signe d’une recomposition politique majeure. Reste à savoir si les deux hommes choisiront l’éclatement, ou s’ils parviendront à réinventer leur relation sur des bases plus claires et institutionnalisées.
Le Sénégal ne peut se permettre une crise prolongée au sommet de l’État. Le peuple, lassé des intrigues de palais, attend des résultats tangibles. L’histoire politique est pleine d’alliances rompues et de revirements spectaculaires. Mais dans le cas Sonko–Faye, c’est l’idée même d’une nouvelle gouvernance populaire qui est mise à l’épreuve.
Tony A.

