Le sommet annuel de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba s’est achevé sur une note de crispation, marqué par l’absence de consensus autour du conflit meurtrier entre la RDC et le Rwanda. Alors que l’armée rwandaise, via les rebelles du M23, venait d’entrer à Bukavu, les espoirs d’une condamnation unanime du Rwanda ont été douchés.
Seul le Burundi a plaidé en faveur d’une condamnation formelle, sans trouver d’écho parmi ses pairs. Les discussions ont été houleuses, notamment lors de la réunion du Conseil Paix et Sécurité, où les accusations de la RDC contre le Rwanda ont provoqué un échange virulent avec le président Paul Kagame. En signe de malaise, la conférence de presse finale a été annulée, et le communiqué officiel se faisait encore attendre 48 heures plus tard.
Une médiation en zone grise
Les divergences sur la responsabilité du conflit ont exposé les limites de l’UA en matière de résolution des crises internes. Le commissaire à la paix et à la sécurité, Bankolé Adeoyé, s’est contenté d’un appel au retrait immédiat du M23 des zones occupées, évitant soigneusement de nommer le Rwanda.
Parallèlement, les chefs d’État ont approuvé le principe d’une fusion des processus de médiation de Luanda et de Nairobi, mais sans préciser la mécanique de sa mise en œuvre. Le futur des actuels médiateurs, Uhuru Kenyatta et João Lourenço, demeure incertain, Kigali estimant que ce dernier, nouvellement président de l’UA, serait trop proche des positions de Kinshasa.
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L’UA coincée entre diplomatie et immobilisme
Cette inertie diplomatique révèle la complexité des rapports de force au sein de l’UA, où les alliances politiques l’emportent souvent sur la solidarité régionale. L’influence persistante du Rwanda, soutenu par certains partenaires stratégiques, rend difficile toute position ferme. Pour Kinshasa, l’échec de Kigali à obtenir un siège au Conseil Paix et Sécurité représente toutefois une victoire symbolique. Mais sur le terrain, les populations de l’est de la RDC restent abandonnées à leur sort.
Au-delà des blocages diplomatiques, ce conflit cristallise des enjeux géopolitiques plus larges, impliquant à la fois les ressources minières, les rivalités historiques et les ambitions hégémoniques régionales.
L’UA, en évitant de prendre une position tranchée, risque de perdre crédibilité et de laisser d’autres acteurs internationaux s’imposer dans la médiation. Les prochaines semaines seront cruciales : le succès ou l’échec de la fusion des processus de Luanda et de Nairobi pourrait redéfinir l’avenir de la résolution de cette crise complexe et meurtrière.
Tony A.