Le 16 février 2025 restera une date clé dans l’histoire du continent africain. Lors de sa 38ᵉ session ordinaire à Addis-Abeba, la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine (UA) a adopté une résolution historique : la reconnaissance de l’esclavage, de la déportation et de la colonisation comme des crimes contre l’humanité et un génocide à l’encontre des peuples d’Afrique.
Cette initiative, portée par le Togo sous la direction du Président Faure Essozimna Gnassingbé, marque une avancée majeure dans la quête de reconnaissance et de justice historique pour les Africains et les Afro-descendants. Mais que signifie réellement cette reconnaissance ? Quels en sont les enjeux et les perspectives pour l’Afrique et le monde ?
Pourquoi cette reconnaissance est un tournant majeur ?
L’Afrique a longtemps été victime de crimes méthodiquement planifiés, ayant des conséquences profondes et durables sur ses sociétés. Pendant plus de cinq siècles, la traite négrière transatlantique, la colonisation et la déportation ont bouleversé l’équilibre du continent. Ces événements ont laissé des stigmates économiques, sociaux et psychologiques encore visibles aujourd’hui.
Cette décision permet enfin d’inscrire ces événements dans leur véritable cadre historique et juridique, mettant un terme aux tentatives de minimisation ou de justification. En qualifiant ces crimes de génocide et de crimes contre l’humanité, l’UA pose les bases d’une revendication plus forte pour la réparation des torts subis.
Le rôle clé du Togo dans cette décision historique
Le Togo s’est imposé comme un acteur majeur de cette initiative en plaidant pour la reconnaissance de ces crimes au sein des instances de l’UA. Le ministre togolais des Affaires étrangères, Prof. Robert Dussey, a souligné que cette décision constitue un tournant décisif pour l’Afrique et sa diaspora :
« Cette décision, initiée sous le leadership du Président Faure Essozimna Gnassingbé, permet à l’Afrique de revendiquer son propre récit historique et de poser les bases d’un processus de réparation. »
En tant qu’initiateur de cette résolution, le Togo a été mandaté pour assurer son suivi, en collaboration avec la Commission de l’UA, les États membres et les organisations internationales. Cette reconnaissance ne doit pas rester symbolique, mais servir de levier pour des actions concrètes.
Les implications de cette reconnaissance : quelles réparations pour l’Afrique ?
Reconnaître un crime, c’est ouvrir la voie à des réparations. L’Afrique, à travers cette décision, réclame :
- Une restitution des biens culturels pillés par les puissances coloniales.
- Une indemnisation financière pour les préjudices subis par les nations africaines et leur diaspora.
- Un travail mémoriel renforcé, afin que ces événements soient enseignés aux générations futures.
Cette décision s’inscrit dans le thème 2025 de l’UA : « Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par les réparations ». L’objectif est clair : corriger les injustices passées pour construire un avenir plus équitable.
Un pas vers la réappropriation du récit historique africain
Pendant trop longtemps, l’histoire de l’Afrique a été racontée par d’autres, souvent avec un prisme biaisé. L’un des enjeux majeurs de cette reconnaissance est de reprendre le contrôle du récit historique africain.
Le ministre Dussey a insisté sur ce point :
« L’Afrique doit nommer elle-même les souffrances qu’elle a subies, les enseigner et éviter que d’autres imposent leur propre interprétation de ces événements. »
Cette déclaration souligne l’importance de l’éducation et de la transmission de l’histoire, afin de prévenir toute résurgence de l’esclavage et de la colonisation sous de nouvelles formes.
Quelles suites après cette reconnaissance ?
Cette reconnaissance marque un point de départ et non une finalité. Plusieurs défis restent à relever :
- Traduire cette reconnaissance en actions juridiques et politiques : comment les pays africains peuvent-ils faire pression sur la communauté internationale pour obtenir réparation ?
- Sensibiliser la jeunesse africaine : l’histoire de l’esclavage et de la colonisation doit être mieux intégrée aux programmes scolaires africains.
- Organiser une mobilisation internationale : les organisations diasporiques, la société civile et les gouvernements africains doivent œuvrer ensemble pour maintenir cette question à l’agenda international.
Un moment clé à venir sera le 9ᵉ Congrès panafricain prévu à Lomé en 2025, qui mettra cette question au centre des discussions.
Une victoire pour la mémoire et la justice
La reconnaissance de l’esclavage, de la déportation et de la colonisation comme crimes contre l’humanité et génocide constitue une avancée majeure pour l’Afrique et sa diaspora.
En prenant le leadership sur cette question, le Togo et l’Union Africaine posent les bases d’un dialogue international sur la justice historique et les réparations. Cette décision n’est pas seulement symbolique : elle marque un tournant vers une revalorisation de l’histoire africaine et une exigence de justice sur la scène mondiale.
L’Afrique ne réclame pas de charité, mais la reconnaissance et la réparation des crimes subis. Ce combat, qui dépasse les frontières du continent, constitue un enjeu fondamental pour les générations futures.
Steven Edoé WILSON