En Côte d’Ivoire, une récente enquête de l’École nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée (Ensea) révèle une réalité alarmante : plus d’un travailleur sur deux est victime de violences sexuelles ou de harcèlement sur son lieu de travail. Derrière ces chiffres, des souffrances profondes et une omerta persistante.
L’étude de l’Ensea révèle non seulement le harcèlement sexuel, mais aussi les violences psychologiques : intimidations, humiliations, menaces. Derrière ces abus se cachent souvent des rapports de pouvoir déséquilibrés, renforcés par la précarité de l’emploi. La législation ivoirienne quant à elle prévoit des sanctions en cas de harcèlement au travail. Celles ci vont d’un à trois ans de prison et une amende de 360 000 à 1 000 000 de francs CFA. Pourtant, ces mesures restent peu dissuasives en raison de la difficulté à prouver les faits et de la peur des représailles.
Un quotidien marqué par les abus et la peur
« Il m’a fait des attouchements et a tenu des propos déplacés. J’avais peur de perdre mon emploi si je réagissais », confie Mireille, une jeune salariée. Fraîchement embauchée, elle devient la cible de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique. Contrainte de quitter son poste, son récit illustre la souffrance silencieuse de milliers de victimes.
Selon Maureen Grisot, directrice de l’ONG Akwaba Moussa, la sensibilisation contre les violences sexuelles au travail est cruciale : « Nous aidons les victimes à se sentir en sécurité et formons les entreprises pour prévenir ces actes. Trop souvent, les employés ignorent que certaines remarques ou comportements constituent du harcèlement. »
Malgré les avancées juridiques, les dispositifs de protection des victimes demeurent fragiles. Le manque de cellules d’écoute, l’absence de politiques internes contre les violences sexuelles, le harcèlement et la stigmatisation des plaignants freinent les dénonciations.
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Un cadre légal insuffisant face à une réalité complexe
La lutte contre les violences sexuelles au travail en Côte d’Ivoire exige plus qu’une législation : elle nécessite un changement de culture en entreprise et une tolérance zéro face aux abus. Renforcer les dispositifs de plainte anonymes, multiplier les campagnes de sensibilisation et sanctionner fermement les auteurs sont essentiels.
Les entreprises doivent intégrer la prévention dans leur politique de gestion des ressources humaines. Enfin, l’État, en collaboration avec les ONG, doit garantir un accompagnement psychologique et juridique aux victimes.
Le combat est d’abord sociétal : briser le silence, protéger les victimes et construire un environnement de travail plus sûr et respectueux. C’est ainsi que la Côte d’Ivoire pourra transformer ces chiffres alarmants en une réalité plus juste et équitable.
Tony A.