La Somaïr, filiale nigérienne d’Orano, est plongée dans une crise financière sévère, marquant une période tumultueuse pour l’industrie minière du Niger. Avec l’arrêt brutal des exportations d’uranium, l’entreprise se voit contrainte de vendre des stocks initialement réservés pour la fermeture future du site. Cette situation illustre non seulement les difficultés économiques rencontrées par Somaïr mais aussi les tensions croissantes entre les intérêts étrangers et les nouvelles dynamiques politiques et économiques du Niger.
En effet, alors que le pays se débat sous le poids des sanctions internationales et d’une politique interne de réappropriation des ressources naturelles, la crise de la Somaïr pourrait bien être le prélude à un profond remaniement de la gestion des richesses minières nationales, exacerbant les défis pour Orano et posant des questions cruciales sur la souveraineté et le développement durable au Niger.
Exportations bloquées et trésorerie sous pression
La Somaïr, détenue à 64 % par Orano, se trouve en difficulté après le retrait d’un de ses permis d’extraction d’uranium en juin et la fermeture de la frontière entre le Niger et le Bénin depuis un an. Cette fermeture a interrompu le corridor terrestre traditionnellement utilisé pour exporter l’uranium via le port de Cotonou au Bénin, stoppant ainsi les ventes essentielles pour la trésorerie de l’entreprise. Actuellement, 750 tonnes de minerai, représentant plus de la moitié de la production de l’année dernière, sont stockées sans pouvoir être vendues.
Orano a proposé des solutions alternatives, telles que l’acheminement par voie aérienne vers la France ou la Namibie, mais n’a reçu aucune réponse officielle des autorités nigériennes. En conséquence, la trésorerie de la Somaïr est sévèrement impactée, mettant en péril le paiement des salaires de ses 1 400 employés et le maintien de l’outil industriel. Pour financer ses opérations courantes, l’entreprise puise dans ses réserves destinées à la remise en état du site après exploitation, mais estime ne pouvoir tenir que quelques mois avant de devoir prendre des « mesures sociales » drastiques.
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Un contexte géopolitique et économique complexe
Cette crise financière survient dans un contexte géopolitique et économique tendu. Les autorités nigériennes ont récemment retiré deux permis d’extraction d’uranium à Orano et à la canadienne Goviex. Le Niger, sous les sanctions de la CEDEAO suite au coup d’État, cherche à renforcer sa souveraineté nationale sur ses ressources minières. Le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) mène une politique active de reprise en main de ce secteur stratégique, répondant aux attentes de la société civile pour des retombées économiques locales.
Cette situation met en lumière les tensions croissantes entre les entreprises minières étrangères et les nouvelles autorités nigériennes, naviguant entre les exigences internationales et les aspirations nationales. La crise de la Somaïr pourrait redéfinir les relations entre le Niger et les compagnies minières internationales, posant un défi de taille pour Orano et ses homologues dans un contexte géopolitique complexe.
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Un virage stratégique pour la souveraineté nationale
L’impact de la crise financière de la Somaïr dépasse le cadre de l’entreprise, soulignant un virage stratégique vers une plus grande souveraineté nationale sur les ressources minières. Le CNSP affiche clairement sa volonté de contrôler les richesses naturelles du pays, une position qui résonne avec les attentes de la population nigérienne. Les répercussions de cette crise pourraient bien redéfinir les relations entre le Niger et les compagnies minières internationales, posant un défi de taille pour Orano et ses homologues dans un contexte géopolitique complexe.
Le Niger, riche en ressources mais en proie à des défis économiques et politiques, est à un tournant crucial. La capacité de la Somaïr à surmonter cette crise financière pourrait influencer non seulement l’avenir de l’entreprise mais aussi celui du secteur minier nigérien dans son ensemble. La crise actuelle pourrait inciter les autorités nigériennes à réévaluer leurs stratégies et à chercher des partenariats plus équilibrés, tout en poursuivant leurs objectifs de développement durable et de justice sociale.
Sandrine A.