En République démocratique du Congo, les derniers développements politiques marquent un tournant inattendu. Le gouvernement de Félix Tshisekedi a brutalement durci le ton contre son prédécesseur Joseph Kabila, en multipliant les actions coercitives : suspension du PPRD, saisies d’avoirs, restrictions de mouvement. Officiellement, il s’agit de prévenir des « troubles à l’ordre public ». Officieusement, c’est une démonstration de force destinée à fragiliser le clan Kabila à l’approche d’échéances politiques majeures.
Mais cette stratégie de fermeté résonne au-delà du cadre intérieur. À Doha, où se tiennent des pourparlers cruciaux entre Kinshasa et les rebelles de l’AFC/M23, la radicalisation contre Kabila et ses proches jette un froid. Elle est perçue par certains médiateurs internationaux comme une entrave aux efforts de paix. Le gouvernement congolais, en voulant neutraliser un adversaire politique, risque-t-il de brouiller ses propres cartes diplomatiques ?
Une offensive politique camouflée contre Joseph Kabila
La suspension des activités du PPRD sur toute l’étendue du territoire, suivie de la menace de gels d’avoirs et de restrictions de liberté, s’apparente moins à une mesure administrative qu’à une opération politique ciblée. Pour le gouvernement, Joseph Kabila est accusé d’avoir quitté puis regagné le pays de manière « clandestine », une formulation lourde de sens, qui vise à peindre l’ancien président en conspirateur.
Ce retour au vocabulaire de la suspicion, hérité de périodes de tension institutionnelle, rappelle aussi les pratiques d’un régime cherchant à imposer un contrôle narratif total. En ciblant également d’autres partis, les autorités ouvrent la voie à un climat de répression élargie, masqué sous des prétextes juridiques. Il s’agit, en creux, de redessiner le paysage politique en éliminant les figures perçues comme dangereuses.
Mais ce jeu comporte des risques. En affaiblissant les piliers de l’opposition historique, Kinshasa pourrait alimenter un sentiment de revanche, voire radicaliser une partie de la classe politique. Ce durcissement pourrait ainsi se retourner contre ses auteurs si les équilibres internes venaient à se rompre.
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Une posture à double tranchant sur la scène régionale
À Doha, les tensions internes congolaises s’invitent à la table des négociations. Le procès d’intention contre Joseph Kabila, jugé contre-productif par certains médiateurs, notamment le Qatar et les États-Unis, complique le fragile processus de paix avec l’AFC/M23. L’usage du terme « groupe terroriste » par Kinshasa aggrave encore les crispations. Or, une médiation efficace repose sur la capacité des parties à faire des gestes réciproques.
Dans ce contexte, la radicalisation du gouvernement congolais s’oppose frontalement à l’exigence de confiance mutuelle. En assimilant Joseph Kabila à un acteur déstabilisateur voire en le liant implicitement à des réseaux proches de Kigali, Kinshasa brouille la frontière entre opposition politique et menace sécuritaire, ce qui affaiblit sa propre légitimité sur la scène internationale.
De plus, alors que l’ancien président multiplie les contacts avec des chefs d’État africains dans une démarche qualifiée de « paix » par ses proches, ces actions de Kinshasa risquent d’être perçues comme une tentative d’étouffer toute voix alternative susceptible de proposer une sortie de crise différente. L’image d’un pouvoir inflexible pourrait, à terme, isoler la RDC dans sa propre diplomatie.
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Entre stratégie de contrôle et perte d’équilibre
La nouvelle ligne dure adoptée par le gouvernement congolais contre Joseph Kabila et son entourage révèle une volonté de verrouillage politique total à l’intérieur, mais au prix d’une vulnérabilité diplomatique croissante. En mêlant justice, sécurité et règlement de comptes politiques, Kinshasa brouille les signaux envoyés à ses partenaires.
Ce choix de l’affrontement, plutôt que de la conciliation, pourrait créer un effet boomerang : affaiblir la cohésion interne, ralentir les avancées diplomatiques et renforcer les perceptions d’instabilité aux yeux des investisseurs comme des alliés internationaux. L’enjeu désormais : éviter que cette stratégie ne transforme une crise politique en une impasse nationale.
Tony A.