Depuis le 5 mars, de nouvelles taxes frappent les services téléphoniques au Mali : une ponction de 10 % sur chaque recharge de crédit téléphonique et une taxe de 1 % sur chaque transaction via mobile money. Présentées comme un moyen de financer des projets sociaux, ces mesures suscitent une opposition croissante au sein de la classe politique et de la société civile. Deux partis politiques influents, Yelema et le M5RFP-Mali Kura, demandent leur abrogation immédiate, tandis que la Codem élargit la contestation à une dénonciation plus globale de la gestion du pays par les autorités de transition.
Les opposants aux nouvelles taxes dénoncent leur impact sur des populations déjà fragilisées. « Plutôt que d’être à l’écoute du peuple, le gouvernement de transition enlève le dernier sous des poches des Maliens », fustigent Yelema et le M5RFP-Mali Kura. La mesure intervient dans un contexte de crise énergétique aiguë qui a déjà plombé l’économie et appauvri de nombreux ménages. Pour ces partis, imposer de nouvelles charges financières aux citoyens n’est pas la solution pour pallier les difficultés budgétaires du pays.
Des taxes jugées injustes et illégitimes
Au-delà de l’impact social, la légalité de ces taxes est remise en question. Créées par ordonnance, elles échappent au cadre législatif normalement requis pour une telle réforme fiscale. Les détracteurs critiquent également le flou entourant la gestion des fonds collectés, logés dans une banque malienne plutôt que dans les comptes du Trésor public. Ce manque de transparence nourrit les soupçons d’une utilisation arbitraire des ressources.
Alors que le gouvernement justifie ces prélèvements par le financement de projets sociaux, d’autres voix réclament plutôt une réduction du train de vie de l’État. Depuis le début de la transition, les budgets alloués à la Présidence, au gouvernement et au Conseil national de transition (CNT) ont fortement augmenté. Les partis d’opposition estiment que ces dépenses excessives devraient être révisées avant d’imposer de nouveaux impôts aux citoyens.
La Codem, par la voix de son président Housseini Amion Guindo, va encore plus loin en inscrivant ces taxes dans une logique plus large de dérive autoritaire. Il qualifie leur mise en place d’« imposition unilatérale » et alerte sur « un manque de perspectives » de la transition. Son appel à « stopper la dictature » illustre l’escalade de la contestation, qui dépasse la simple question fiscale pour embrasser une critique plus globale du pouvoir en place.
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Une contestation qui peut prendre de l’ampleur
Cette opposition politique aux nouvelles taxes pourrait-elle se transformer en un mouvement de contestation plus large ? Avec une population malienne déjà éprouvée par des difficultés économiques et sécuritaires, la pression sociale pourrait s’intensifier. Si le gouvernement persiste dans son application stricte de ces mesures, il risque d’accroître la frustration populaire et de renforcer la mobilisation de l’opposition.
D’autres acteurs, notamment la société civile et les syndicats, pourraient également s’engager dans cette bataille contre une taxation jugée injuste. La gestion des recettes collectées sera un élément clé dans la suite des événements : en l’absence de transparence et d’affectation visible des fonds à des projets concrets, la suspicion pourrait alimenter une colère plus large contre la gouvernance de la transition. La suite dépendra de la réaction des autorités et de leur capacité à désamorcer une crise qui ne cesse de prendre de l’ampleur.
Tony A.