Le procès de cinq généraux de l’armée et de la police s’est ouvert à Kinshasa, un événement marquant pour la justice militaire congolaise et un signal fort adressé à l’ensemble des forces armées. Accusés de « lâcheté », de « violation des consignes » et de « perte de munitions », ces officiers supérieurs sont jugés pour avoir abandonné leurs troupes lors de l’avancée du M23/AFC sur Goma.
L’accusation repose sur un fait central : la fuite de ces généraux à bord d’un bateau privé alors que le président Tshisekedi avait ordonné une résistance jusqu’au « sacrifice suprême ». Cet acte a entraîné une perte stratégique majeure pour l’armée congolaise, notamment la capture de cinq chars T55 et d’importants stocks de munitions par les rebelles. Ce procès montre les profondes défaillances du commandement militaire congolais. Apparemment la formation de ces officiers en Europe et leur passage par les grandes écoles militaires n’ont visiblement pas suffi à garantir leur engagement sur le terrain.
Un procès de généraux sous haute tension
Le contexte politique ne peut être ignoré dans cette affaire. La présence du ministre de la Justice à l’ouverture du procès illustre l’importance politique du dossier. En jugeant des généraux, l’armée cherche à redorer son image et à rétablir une discipline mise à mal par des décennies de conflits et d’indiscipline au sein des forces armées.
Toutefois, la décision de potentiellement tenir les prochaines audiences à huis clos, prévue dès le 20 mars 2025, suscite des interrogations. La volonté de transparence affichée par le pouvoir pourrait être mise à mal par une opacité judiciaire qui ferait le jeu des spéculations. De plus, la peine de mort encourue, bien que rarement appliquée en RDC, pourrait transformer ces généraux en martyrs aux yeux de certains, rendant leur condamnation politiquement risquée.
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Une justice en quête d’équilibre
Il faut le souligner, ce procès illustre la volonté du gouvernement de renforcer la discipline au sein de ses forces armées, mais il pose aussi la question de la responsabilité des plus hauts gradés dans les revers militaires successifs de la RDC. Si la condamnation de ces généraux pourrait envoyer un signal fort, elle ne saurait à elle seule résoudre les problèmes structurels d’une armée minée par la corruption, le manque de moyens et les ingérences politiques.
Dans un pays où la justice militaire a souvent été perçue comme instrumentalisée, l’issue de ce procès sera déterminante pour la crédibilité des institutions judiciaires et militaires congolaises. La Haute Cour Militaire devra faire preuve d’indépendance et de rigueur pour éviter que cette affaire ne se transforme en simple purge politique ou en sacrifice expiatoire.
L’opinion publique congolaise, quant à elle, attend une justice exemplaire qui sanctionne les failles sans tomber dans l’arbitraire. Ce procès pourrait ainsi constituer un tournant dans la réforme des forces armées congolaises, à condition que la responsabilité ne s’arrête pas à ces cinq généraux, mais s’attaque à l’ensemble des défaillances qui entravent la sécurité nationale.
Tony A.