L’ancien président du Bénin, Nicéphore Soglo, refait surface sur la scène politique avec un message sans ambiguïté : la libération immédiate de tous les prisonniers politiques. Dans ses mémoires intitulés vers le « miracle béninois » : l’épreuve du pouvoir et de la démocratie, publiés chez « L’Harmattan », l’ancien chef de l’État ne mâche pas ses mots. Il dénonce un climat politique devenu « irrespirable » et interpelle directement le président en exercice, Patrice Talon.
Parmi les figures emblématiques de l’opposition incarcérées, Reckya Madougou et Joël Aïvo sont cités par Soglo, ainsi que son propre fils, Léhady Soglo, exilé depuis des années. L’ancien président Nicéphore Soglo revendique un droit de regard sur la gouvernance actuelle, rappelant que son soutien passé à Talon a contribué à l’ascension de ce dernier. « Quand on a le pouvoir, il faut savoir comment l’utiliser », lance-t-il, ajoutant qu’il attend une réponse claire de la part du président béninois, qui, pour l’instant, « ne [lui] répond pas correctement ».
Un appel retentissant pour la libération des prisonniers politiques
« Moi, je n’ai jamais mis quelqu’un en prison. Je n’ai jamais mis des gens en exil. Non, ça n’a pas de sens. Je parle au président Talon, j’ai demandé encore une audience, je lui dis écoute, c’est moi en te soutenant qui t’ai permis d’être président, eh bien, je te dis que cette année, l’année 2025, tu dois libérer tous les prisonniers politiques, les Reckya, le professeur Aïvo, tous ceux qui sont en prison », a fait savoir l’ancien président.
Cette prise de position survient à un an de l’élection présidentielle de 2026, un scrutin qui s’annonce décisif pour l’avenir démocratique du pays. Nicéphore Soglo, bien qu’à la retraite, continue de peser sur le débat politique et de mobiliser l’opinion en faveur d’une ouverture du champ politique, dans un pays où l’opposition peine à se faire entendre.
A savoir si le président Talon tiendra parole et quittera le pouvoir dans un an, Nicéphore Soglo se montre réaliste. « Je suis persuadé que, s’il ne quitte pas, il aura choisi son destin. »
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La monnaie ouest-africaine et la quête d’une intégration régionale renforcée
Au-delà des enjeux internes au Bénin, Nicéphore Soglo porte également une vision régionale. Pour lui, l’Afrique de l’Ouest doit impérativement réaliser ce que l’Europe a su faire après la Seconde Guerre mondiale : l’intégration économique et monétaire. Il milite en faveur d’une monnaie commune à la place du franc CFA, estimant que les peuples du Nigéria, du Bénin et du Togo partagent une même histoire et un même destin.
Cette prise de position intervient dans un contexte où la Cédéao peine à finaliser son projet de monnaie unique, l’Eco, retardé par de multiples obstacles économiques et politiques. La récente décision du Mali, du Burkina Faso et du Niger de quitter l’organisation régionale ne fait qu’ajouter à la complexité du projet. Soglo, lui, prône une réflexion à long terme et une volonté politique affirmée pour sortir de l’ornière actuelle.
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Un rôle délicat pour l’ex-président béninois Nicéphore Soglo
L’autre grand combat de Nicéphore Soglo est régional. Avec un autre ancien président du Bénin, Thomas Boni Yayi, il s’est rendu à Niamey en juin dernier dans l’espoir de faire rouvrir la frontière entre le Niger et le Bénin, fermée depuis le coup d’État de juillet 2023 au Niger. Cette mission diplomatique, bien qu’infructueuse jusqu’à présent, témoigne de la volonté de l’ex-président de jouer un rôle de conciliateur dans une Afrique de l’Ouest en proie aux tensions.
Alors qu’il affirme avoir reçu une nouvelle invitation du général Tiani, chef de la junte nigérienne, Soglo se prépare à poursuivre ses efforts diplomatiques. « Je vous tiendrai informé », assure-t-il, laissant entendre qu’une prochaine visite à Niamey est en préparation. Cette implication pose la question du rôle des anciens chefs d’État dans la stabilisation politique et économique de la région.
Nicéphore Soglo, bien que loin des fonctions officielles, reste une figure centrale du débat politique au Bénin et en Afrique de l’Ouest. Son appel à la libération des prisonniers politiques et à une meilleure gouvernance démocratique trouve un écho fort à l’approche des élections de 2026. Par ailleurs, sa vision d’une monnaie unique et d’une coopération régionale renforcée illustre sa volonté de voir l’Afrique de l’Ouest s’affranchir des dépendances extérieures.
Si ses idées trouvent un certain soutien, la réalité politique et économique de la région pourrait freiner leur concrétisation. Reste à voir si son appel à l’action sera entendu et si, à l’horizon 2026, le Bénin et l’Afrique de l’Ouest amorceront le changement qu’il appelle de ses vœux.
Tony A.