Dans un climat sécuritaire de plus en plus tendu dans l’est de la République Démocratique du Congo, le conflit entre les Forces armées congolaises (FARDC) et la rébellion du M23, soutenue par l’Alliance du Fleuve Congo (AFC), ne cesse de faire des remous. Au cœur de la tourmente : la MONUSCO, mission onusienne présente depuis plus de deux décennies sur le sol congolais, accusée par le M23 d’avoir participé activement aux récentes attaques qui ont ciblé la ville de Goma, l’aéroport de Kavumu près de Bukavu, et d’autres localités du Nord et du Sud-Kivu.
Des accusations que la MONUSCO qualifie de « graves et dangereuses », rejetant toute implication. Mais la mission affirme n’avoir jamais utilisé ses bases pour planifier des actions militaires, elle se retrouve à nouveau placée au centre d’une guerre d’informations, mêlant soupçons, frustrations populaires et recompositions stratégiques dans la région.
Une MONUSCO en quête de crédibilité, prise dans le feu croisé de la guerre de communication
Depuis plusieurs années, la MONUSCO est critiquée pour son inefficacité perçue par une partie de la population congolaise. Aujourd’hui, ces nouvelles accusations du M23 la placent une fois de plus dans une position délicate. La porte-parole Neydi Khadi Lo rappelle que la mission œuvre exclusivement pour la protection des civils et l’appui au gouvernement dans la stabilisation du pays. Pourtant, dans un contexte de désinformation, cette position est mise à mal.
Le M23, maître dans l’art de la communication offensive, cherche probablement à détourner l’attention des exactions qu’il pourrait lui-même commettre, tout en fragilisant les alliances militaires entre les FARDC, la SADC et l’ONU. En s’attaquant à la MONUSCO, il vise une cible qui cristallise déjà de nombreuses frustrations, dans une tentative de miner la confiance de la population envers les institutions internationales.
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Le sort flou des ex-FARDC sous protection onusienne : un angle mort stratégique
Au cœur des soupçons, le statut ambigu de quelque 3 000 militaires congolais qui s’étaient réfugiés dans les bases de la MONUSCO à Goma fin janvier. Bien que désarmés et hébergés par la mission onusienne, plus de la moitié d’entre eux ont depuis quitté les lieux. Selon l’ONU, ils ont agi de leur propre chef, après avoir signé un formulaire de départ. Pourtant, leur traçabilité reste floue. Aucune procédure de suivi n’est engagée après leur sortie.
Ce vide logistique et opérationnel alimente les spéculations. Le M23 affirme que ces anciens soldats ont rejoint les « Wazalendo » groupes armés pro-gouvernementaux, insinuant que la MONUSCO aurait indirectement favorisé leur réintégration au combat. L’ONU dément fermement, rappelant que ces individus n’étaient ni détenus ni armés au moment de leur départ. Mais dans une zone où les lignes entre armées régulières, groupes d’autodéfense et milices sont poreuses, l’absence de transparence renforce le brouillard stratégique.
L’affaire illustre les limites d’une mission de paix opérant dans un environnement hybride, où la guerre se mène autant sur le terrain que dans les discours. Les accusations portées contre la MONUSCO, qu’elles soient infondées ou exagérées, mettent en lumière une réalité inquiétante : l’érosion de la légitimité des institutions internationales dans les conflits africains. Alors que la RDC est à la croisée des chemins entre désescalade et intensification des violences, l’avenir de la MONUSCO dont le retrait progressif est déjà amorcé dépendra largement de sa capacité à restaurer une communication crédible, à renforcer la coordination avec les forces locales, et surtout, à prouver son utilité aux yeux des populations civiles, premières victimes de cette guerre sans fin.
Tony A.