La Russie accueille les ministres des Affaires étrangères du Mali, du Niger et du Burkina Faso pour une visite officielle, marquant une nouvelle étape dans le renforcement des liens avec l’Alliance des États du Sahel (AES). Cette première session de consultations, initiée par le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, symbolise un tournant dans la coopération entre ces trois États sahéliens dirigés par des régimes militaires et la puissance eurasiatique. Entre enjeux sécuritaires, coopération économique et positionnement diplomatique, cette visite pourrait redéfinir les rapports de force au Sahel et sur la scène internationale.
Au cœur des discussions, la question sécuritaire demeure la priorité absolue pour le Mali, le Niger et le Burkina Faso, confrontés à des insurrections jihadistes et à une instabilité chronique. La coopération militaire avec la Russie, déjà amorcée par le biais du groupe paramilitaire Wagner, pourrait se renforcer sous une nouvelle forme. Moscou, qui voit dans ces pays un levier stratégique en Afrique de l’Ouest, pourrait proposer une assistance accrue sous la bannière d’un partenariat officiel, consolidant ainsi son influence face aux puissances occidentales.
Un levier économique pour l’AES ?
L’enjeu est double pour les juntes sahéliennes : garantir la stabilité interne et affirmer leur autonomie face aux anciennes puissances coloniales, en particulier la France, dont l’influence a fortement diminué dans la région. En échange d’un soutien logistique et militaire renforcé, la Russie pourrait obtenir un accès privilégié aux ressources naturelles de ces États, notamment l’uranium nigérien et les mines aurifères maliennes et burkinabè.
Au-delà des questions sécuritaires, la coopération économique sera également un sujet central de la visite. L’Alliance des États du Sahel mise sur la création récente d’une banque régionale d’investissement pour structurer son indépendance financière. Cependant, les débuts timides de cette institution nécessitent des partenaires solides. La Russie pourrait jouer un rôle clé en injectant des capitaux ou en facilitant l’intégration de ces pays dans de nouvelles dynamiques commerciales, notamment dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures.
La visite pourrait également ouvrir la voie à des accords de coopération dans l’exploitation minière et agricole, renforçant ainsi l’interdépendance entre la Russie et l’AES. L’appui russe à la nouvelle architecture financière de ces États constituerait un signal fort pour leur autonomie économique, à l’heure où ces régimes cherchent à s’affranchir des institutions financières occidentales et sous-régionales.
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Vers un axe diplomatique commun ?
Cette rencontre pourrait également poser les bases d’une nouvelle alliance diplomatique avec la Russie. En quête de reconnaissance sur la scène internationale, les juntes sahéliennes pourraient bénéficier du soutien de Moscou pour peser davantage au sein des instances multilatérales. Une convergence de vues sur des dossiers internationaux, tels que la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU ou les relations avec les BRICS, pourrait émerger de ces discussions.
En retour, la Russie, confrontée à un isolement croissant depuis le début de la guerre en Ukraine, pourrait voir dans l’AES un nouvel espace d’influence pour promouvoir son agenda diplomatique et sécuritaire. Une position commune entre Moscou et ces États sahéliens sur des sujets stratégiques renforcerait leur poids face aux pressions occidentales.
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Cette visite des chefs de la diplomatie sahélienne en Russie s’inscrit dans une dynamique de rééquilibrage géopolitique en Afrique de l’Ouest. Alors que le Sahel devient un théâtre d’affrontement des puissances mondiales, le rapprochement entre l’AES et Moscou pourrait remodeler les équilibres régionaux. Sécurité, économie et diplomatie sont autant d’axes où la coopération pourrait s’intensifier, offrant aux trois pays sahéliens une alternative face à leurs partenaires traditionnels. Reste à savoir si cette alliance stratégique se traduira par des résultats concrets ou si elle restera une déclaration d’intentions dans un contexte international en constante mutation.
Tony A.