Les institutions africaines sont apparemment dans un état de déliquescence avancé. C’est en tout cas ce que peut inspirer les différentes réactions de la CEDEAO et de l’Union Africaine dans le règlement de la crise au Mali. A part la suspension prononcée par les deux institutions africaines, c’est l’UA qui a proféré des menaces de sanctions ciblées.
Contrairement à la CEDEAO, l’Union africaine a adopté un ton plus sévère par rapport au nouveau coup de force au Mali. Mais les deux institutions africaines ne sont pas parvenues à afficher une réaction adaptée à la situation.
Des institutions africaines en perte de crédibilité
Pour rappel le président de la transition Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane ont été conduits au camp de Kati par les militaires. Plus tard, malgré les appels de la CEDEAO, l’une des institutions africaines, les deux dirigeants, sous pression, ont annoncé leur démission ce qui de facto faisait du vice-président putschiste le président par intérim.
Même si la déduction ne semble pas logique, elle l’est pour la cour constitutionnelle du Mali, qui vendredi 28 mai a confirmé Assimi Goita comme président par intérim. Même les positions au sein de ces institutions africaines ne semblent pas faire l’unanimité sur les sanctions à prendre. Il est évident que certains chefs d’Etats de cette organisation étaient contre une fermeté à l’égard du nouveau président. Ce qui a conduit à la prise de sanctions diplomatiques contre le Mali sans exiger que Assimi Goita descende de son nouveau perchoir. Selon l’expert indépendant de l’ONU pour les droits de l’homme Alioune Tine, une telle décision n’est pas surprenante parce que « c’est le moindre que pouvait faire la CEDEAO par rapport à la situation du Mali ».
Pourquoi opter pour le moindre. Et bien parce que la situation au Mali est complexe. Le gouvernement de transition est la seule institution du pays, et il vaudrait mieux la ménager pour ne pas envenimer la situation. La lutte contre le djihadisme est loin d’être gagnée et une déstabilisation du pays se répercuterait sur la sous-région. L’argument tient, certes, mais de là, violer l’ordre constitutionnel à deux reprises, et ne recevoir en retour qu’une sanction diplomatique, cela ressemble à ne point se méprendre à de la complicité.
L’idéal aurait été des sanctions ciblées contre ces personnalités qui les obligerait à faire marche arrière, ajoutées à des sanctions économiques qui seront un moyen de pression efficace. Mais le choix de la CEDEAO a porté sur une sanction de principe qui fera que le président malien n’assistera tout simplement pas aux réunions des instances africaines ou juste à titre d’observateur. Cette décision est conforme aux textes de la CEDEAO mais trop légère par rapport à la gravité des actes.
L’Union africaine
Allant dans le même sens que la CEDEAO, l’Union Africaine a aussi annoncé mardi la suspension du Mali de ses instances. Mais elle va plus loin en proférant des menaces de sanctions ciblées, si un gouvernement dirigé par des civils n’était pas rétabli.
L’Union africaine prend ainsi le contrepied de la CEDEAO en adoptant une position plus ferme. En effet des sanctions ciblées auraient été l’idéal si tant est qu’on veut rétablir l’ordre constitutionnel au Mali. Aussi attend -elle militaires de urgemment et inconditionnellement retourner dans leurs casernes et à s’abstenir de toute interférence future dans le processus politique au Mali.
Cependant ces deux institutions africaines s’égalent en termes de manque de poigne. Puisque la sanction de l’Union africaine n’est en rien différente de celle de la CEDEAO puisque seule la suspension est effective. Le reste n’est que menace. En outre la réaction de l’UA dans le renversement de l’ordre constitutionnel au Tchad n’a été que de valider les putschistes. On assiste là à un deux poids de mesure qui suscite l’interrogation de savoir si l’institution africaine n’a pas agit sous influence. C’est en tout cas ce que pense le politologue Sega Diarrah. Pour lui l’UA s’est tout juste pliée aux exigences de la France, qui a délibérément apporté son soutien au général Mahamat Deby et menacé de retirer ses troupes dans le désert malien en cas de non-retour de l’ordre constitutionnel. Contrairement à ces institutions africaines qui semblent avoir perdu leurs repères, le Colone Assimi Goita a bien réussi son coup en nommant mardi un nouveau premier ministre en la personne de Choguel Maiga.