À la surprise générale, Tidjane Thiam a annoncé dans la nuit du 11 mai sa décision de renoncer à la présidence du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA). Dans une vidéo sobrement diffusée sur les réseaux sociaux, l’ancien patron de Crédit Suisse a évoqué un « harcèlement judiciaire » comme principale raison de son retrait. Cette annonce intervient dans un contexte tendu pour le parti historique, secoué par des divisions internes et une bataille judiciaire qui fragilise sa structure.
Le départ de Tidjane Thiam, figure de proue du renouveau du PDCI depuis son élection en décembre 2023, résonne comme un coup de tonnerre dans le paysage politique ivoirien. Accusé par une militante de son propre camp d’avoir perdu sa nationalité ivoirienne, et visé par une procédure judiciaire en cours, l’homme d’affaires a préféré se retirer en pleine tempête, désignant Ernest N’Koumo Mobio comme président par intérim, à quelques heures d’un Bureau politique déterminant pour l’avenir du parti.
Un retrait stratégique de Thiam face à une impasse juridique
Au cœur du litige se trouve une interprétation controversée de l’article 48 du Code de la nationalité ivoirienne. Selon Valérie Yapo, cadre du PDCI, Tidjane Thiam ne remplissait plus les conditions pour être candidat à la présidence du parti, car ayant acquis une autre nationalité, il aurait perdu automatiquement la sienne. La justice, dans une décision antérieure, avait déjà ordonné sa radiation des listes électorales sur cette base, fragilisant encore plus sa légitimité.
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Face à ce contexte délétère, Tidjane Thiam semble avoir opté pour un désistement tactique. En se retirant avant le prononcé du jugement, il vide de sa substance la procédure en cours : plus de mandat, plus de contentieux. Une manière habile d’éviter une éventuelle condamnation politique ou juridique, tout en laissant ouverte la porte à un éventuel retour. Car ce départ ne ferme pas définitivement la parenthèse Thiam au PDCI, il redéfinit simplement le tempo.
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Conséquences internes et perspectives d’un PDCI fragilisé
Le départ de Tidjane Thiam, aussi brutal que symbolique, laisse le PDCI dans une position délicate. Déjà affaibli par la perte de son leader historique Henri Konan Bédié en 2023, le parti peine à trouver une ligne cohérente et unifiée. Cette crise autour de la légitimité de son nouveau président exacerbe les tensions internes et pourrait accentuer les clivages idéologiques et générationnels au sein de l’appareil.
Le choix d’un président par intérim, Ernest N’Koumo Mobio, apparaît comme une tentative de stabilisation immédiate, mais sans garantie d’unité durable. Le Bureau politique prévu ce jour pourrait s’apparenter à une épreuve de vérité. Le PDCI saura-t-il rebondir ou sombrera-t-il dans une guerre de succession prolongée ? L’enjeu est d’autant plus important à l’approche des élections présidentielles de 2025, où le parti espérait revenir sur le devant de la scène.
Une crise révélatrice des fragilités politiques ivoiriennes
La décision de Tidjane Thiam de renoncer à la présidence du PDCI est plus qu’un simple retrait : elle symbolise les limites actuelles des grands partis historiques à gérer leurs transitions internes. Elle révèle aussi la prégnance des outils juridiques dans les règlements de compte politiques en Côte d’Ivoire. Si Thiam s’efface pour l’instant, il pourrait bien revenir dans le jeu avec une stratégie mieux affûtée et un terrain moins miné.
Reste à savoir si ce repli tactique redonnera de la marge au PDCI ou précipitera sa désintégration. Dans tous les cas, cette séquence marque un tournant dans la recomposition de l’opposition ivoirienne, et peut-être dans la trajectoire politique de Tidjane Thiam, dont le capital de sympathie reste intact auprès d’une frange des électeurs et de la diaspora.
Tony A.