Depuis une semaine, le Soudan du Sud est à nouveau plongé dans une impasse politique préoccupante. La mise en résidence surveillée du vice-président Riek Machar par les forces de sécurité du président Salva Kiir ravive les craintes d’un retour à un cycle de violences, menaçant ainsi l’accord de paix de 2018. Dans ce contexte tendu, l’Union africaine (UA) envoie une délégation du Groupe des Sages, menée par l’ancien président burundais Domitien Ndayizeye et la juge kényane à la retraite Effie Owuor, pour une mission de cinq jours à Juba. Cette initiative vise à briser le blocage politique et à éviter un nouveau conflit dans un pays qui peine encore à se remettre de sa dernière guerre civile.
Toutefois, cette tentative de médiation s’annonce particulièrement délicate. Raila Odinga, envoyé spécial et figure politique influente au Kenya, s’est vu refuser l’accès à Riek Machar lors de sa récente visite. L’échec de cette première tentative fait peser des doutes sur la marge de manœuvre dont disposera la délégation de l’UA. Mais au-delà du cas spécifique du Soudan du Sud, c’est toute la crédibilité de la diplomatie africaine qui est en jeu dans cette mission.
Un enjeu diplomatique continental
Le Soudan du Sud constitue un terrain d’épreuve crucial pour l’UA en matière de prévention et de gestion des crises politiques en Afrique. L’organisation panafricaine s’est souvent retrouvée critiquée pour son incapacité à anticiper ou résoudre des conflits internes sur le continent, comme en Éthiopie ou en République démocratique du Congo. L’envoi du Groupe des Sages dans ce contexte vise non seulement à désamorcer une crise immédiate, mais aussi à affirmer la capacité de l’UA à proposer des solutions africaines aux problèmes africains.
L’Union africaine joue ici une carte stratégique. C’est à dire prouver qu’elle peut peser efficacement sur des conflits internes avant qu’ils ne dégénèrent en crises régionales aux répercussions internationales. Une issue favorable à cette médiation renforcerait sa légitimité et pourrait ouvrir la voie à des mécanismes plus robustes pour la gestion des conflits politiques sur le continent. En revanche, un échec mettrait une fois de plus en lumière ses limites et renforcerait le scepticisme quant à son rôle de garant de la stabilité africaine.
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Le spectre d’un retour à la guerre et ses conséquences
Si la médiation de l’UA échoue et que le bras de fer entre Salva Kiir et Riek Machar persiste, le Soudan du Sud risque de basculer dans un nouvel épisode de violence, compromettant des années d’efforts diplomatiques et humanitaires. Le pays, indépendant depuis 2011, est encore marqué par une instabilité chronique, où les affrontements ethniques et politiques restent une menace constante.
Un effondrement de l’accord de paix de 2018 aurait des conséquences désastreuses pour la région. Le Soudan du Sud partage des frontières avec des pays déjà fragilisés par des tensions internes, notamment le Soudan voisin, en proie à une guerre civile. Une déstabilisation accrue dans cette zone pourrait exacerber la crise des réfugiés, intensifier les flux d’armes illicites et ouvrir la voie à de nouvelles ingérences étrangères.
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Une médiation décisive pour l’avenir du Soudan du Sud
La visite du Groupe des Sages de l’UA à Juba constitue donc une opportunité décisive pour éviter l’implosion du Soudan du Sud. Il s’agit d’une démarche qui pourrait non seulement préserver la paix fragile du pays, mais aussi redéfinir la posture de l’Union africaine face aux conflits internes du continent.
Si la délégation parvient à établir un dialogue entre les différentes parties prenantes et à favoriser une désescalade, cela enverra un signal fort sur la capacité de l’Afrique à résoudre ses crises de manière autonome. À l’inverse, un échec signifierait non seulement un revers pour l’UA, mais aussi une nouvelle preuve de l’instabilité persistante du plus jeune État africain. À l’heure où la stabilité politique du continent est plus que jamais mise à l’épreuve, cette médiation est une épreuve de vérité pour la diplomatie africaine.
Tony A.