Le 27 janvier 2025, l’entrée du groupe armé M23 à Goma, soutenu par l’armée rwandaise, a plongé l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) dans une crise sans précédent. Alors que des millions de vies sont broyées dans l’indifférence quasi-générale et que des milliers de civils fuient les combats, l’ONU alerte sur un risque de guerre régionale.
Mais derrière cette guerre « oubliée » se cachent des enjeux historiques, économiques et géopolitiques complexes, où le Rwanda joue un rôle clé. Décryptage d’un conflit aux racines historiques profondes et aux ramifications géopolitiques explosives.
1. Goma en Flammes
Le 27 janvier 2025, des détonations ont retenti à Goma, capitale du Nord-Kivu (RDC), alors que le M23 prenait le contrôle de la ville. Cet épisode marque l’apogée de plusieurs semaines d’avancées militaires de ce groupe rebelle, accusé par l’ONU d’être soutenu par 3 000 à 4 000 soldats rwandais. L’incendie de la prison centrale et la fuite de centaines de détenus illustrent l’effondrement de l’autorité étatique congolaise dans la région.
Chiffres clés :
- 2 millions d’habitants à Goma, désormais sous tension.
- Plus de 3 ans de conflit entre le M23 et l’armée congolaise.
- 6 à 7 millions de déplacés dans l’Est de la RDC depuis 2012.
2. Contexte historique : Du colonialisme aux conflits ethniques
Pour comprendre la guerre au Congo, il faut remonter à l’histoire coloniale belge. Comme l’explique l’historien Hamzat Bkari, spécialiste du panafricanisme : « Le Congo a été un laboratoire de la violence coloniale, avec des frontières artificielles et des divisions ethniques instrumentalisées.«
- 1885-1960 : Le Congo, propriété privée de Léopold II, subit une exploitation brutale (caoutchouc, cuivre), causant des millions de morts.
- 1960 : L’indépendance chaotique et l’assassinat de Patrice Lumumba ouvrent une ère d’instabilité.
- 1994 : Le génocide des Tutsi au Rwanda déstabilise la région, avec l’afflux de réfugiés hutu (dont des génocidaires) en RDC.
Les Belges ont exacerbé les tensions entre Tutsi et Hutu, créant des divisions persistantes. Au Rwanda, cette logique a conduit au génocide de 1994. En RDC, elle alimente les revendications du M23, qui se présente comme le défenseur des Tutsi congolais.
3. Le M23 : Un groupe rebelle au cœur des enjeux géopolitiques
Actif depuis 2012, le Mouvement du 23 Mars (M23) est né de la révolte d’anciens rebelles du CNDP, lésés par un accord de paix non respecté. Soutenu par le Rwanda, il contrôle des zones minières stratégiques.
Objectifs et soutiens :
- Protection des Tutsi congolais : Le M23 justifie ses actions par les attaques des FDLR (milices hutu anti-rwandaises).
- Contrôle des ressources : Le Nord-Kivu regorge de coltane, cobalt et or, essentiels pour les technologies vertes.
- Implication du Rwanda : Kigali nie son soutien, mais l’ONU et des rapports d’experts attestent de livraisons d’armes et de troupes.
4. Risque de guerre régionale
Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, s’est dit « alarmé par un regain de violence qui pourrait dégénérer en conflit régional ».
Acteurs clés :
RDC vs Rwanda : Le président Félix Tshisekedi accuse Paul Kagamé de déstabiliser la RDC.
– Multinationales et puissances étrangères : La Chine, les États-Unis et l’UE sont indirectement impliqués via l’exploitation minière.
5. Conséquences humanitaires :
Alors que la guerre en Ukraine monopolise l’attention, la crise congolaise reste marginalisée. Pourtant :
- Exode massif : Des milliers de Congolais fuient vers le Rwanda et l’Ouganda.
- Violences sexuelles et recrutement d’enfants : Documentés par l’ONU, ces crimes restent impunis.
- Économie de guerre : Les milices financent leurs activités via le trafic de minerais, avec la complicité de réseaux internationaux.
6. Solutions possibles
Actions immédiates :
- Cessez-le-feu supervisé : Sous l’égide de l’Union Africaine ou de l’ONU.
- Sanctions ciblées : Contre les dirigeants du M23 et leurs soutiens rwandais.
Réformes à long terme :
- Démilitarisation des zones minières : Pour couper le financement des milices.
- Réconciliation interethnique : Via des programmes éducatifs et mémoriels.
- Souveraineté économique : Renégocier les contrats miniers au profit des Congolais.
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FAQ : Questions clés sur le conflit au Congo
Q : Pourquoi la communauté internationale ignore-t-elle cette guerre ?
R : Les intérêts économiques (minerais) et la complexité des alliances locales rendent la crise moins « médiatisable » que d’autres conflits.
Q : Le Rwanda est-il le seul responsable ?
R : Non. La corruption à Kinshasa, l’inaction de l’armée congolaise et l’exploitation illégale des ressources alimentent aussi le conflit.
Q : Quel rôle joue la France ?
R : Historiquement proche du Rwanda, Paris évite de critiquer Kigali, mais soutient discrètement Kinshasa via l’UE.
La guerre au Congo n’est pas une simple « crise africaine ». Elle incarne les héritages du colonialisme, les ratés de la mondialisation et l’urgence d’une transition énergétique juste. Sans une mobilisation internationale déterminée, l’embrasement régional semble inévitable.
Steven Wilson