Un mois après son incarcération, Succès Masra, figure de proue de l’opposition tchadienne et ancien Premier ministre, passe à un nouveau mode d’expression : la grève de la faim. Le 24 juin 2025, dans une lettre rendue publique par son parti Les Transformateurs, il a annoncé vouloir cesser de s’alimenter pour protester contre ce qu’il qualifie d’« injustice silencieuse ». Arrêté le 16 mai, Masra est poursuivi pour une série de chefs d’accusation aussi lourds que controversés, allant de l’incitation à la révolte à la complicité d’assassinat.
Cette décision radicale intervient après le rejet de sa demande de libération provisoire par la chambre d’accusation le 19 juin. Un refus vécu par ses partisans comme un acharnement politique. Pendant ce temps, le pays observe, divisé entre soutien militant, calculs politiques et prudence institutionnelle.
Une détention aux contours juridico-politiques flous
L’incarcération de Succès Masra s’inscrit dans un climat national marqué par un durcissement du régime à l’approche de nouvelles échéances électorales. Officiellement, la justice le tient pour responsable d’un massacre ayant fait 42 morts à Mandakao, dans le sud-ouest du pays. Ces accusations, graves et précises, reposent selon ses avocats sur des éléments contestés, dont des témoignages flous et des récits contradictoires.
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Au-delà de la procédure judiciaire, plusieurs organisations de défense des droits humains et acteurs internationaux expriment leur inquiétude face à une instrumentalisation possible de la justice. La chronologie des faits, la rapidité de l’arrestation, le refus de liberté provisoire malgré l’absence de preuves irréfutables… tout semble alimenter la thèse d’un règlement de comptes politique. La grève de la faim devient ainsi un acte d’accusation silencieux, mais puissant.
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Une grève de la faim et risque de polarisation politique
L’impact de cette grève de la faim dépasse les murs de la prison. Elle relance la mobilisation des sympathisants de Masra et réactive une base populaire marquée par le sentiment d’injustice. Déjà en alerte après les violences de 2022 et la mort de plusieurs manifestants, la jeunesse tchadienne pourrait voir dans cette détention prolongée une preuve supplémentaire de la dérive autoritaire du pouvoir.
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D’un autre côté, cette affaire pousse le gouvernement à manœuvrer avec prudence. Une libération sans procès affaiblirait l’autorité judiciaire, tandis qu’une condamnation perçue comme politique pourrait embraser la rue. Le cas Masra devient ainsi un test pour la solidité institutionnelle du Tchad, à l’heure où le pays tente de se repositionner sur l’échiquier régional en matière de stabilité et de gouvernance.
La grève de la faim entamée par Succès Masra pourrait devenir un tournant dans le récit politique tchadien. Elle rappelle à quel point l’équilibre entre justice, pouvoir et opposition reste fragile dans un pays encore en transition démocratique. Plus qu’un simple geste de protestation, cette action met le régime face à un dilemme moral et stratégique. Répondra-t-il par l’apaisement ou choisira-t-il la confrontation ? Le sort de Masra pourrait, au-delà de sa personne, dessiner l’avenir de la démocratie tchadienne.
Sandrine A.