Dans un geste de solidarité nationale, les autorités congolaises ont lancé une campagne de don de sang à Kinshasa. Ceci afin de venir en aide aux militaires engagés dans les combats contre le M23 et l’armée rwandaise à l’Est du pays. Pendant quatre jours, les citoyens sont appelés à contribuer à l’effort de guerre en offrant leur sang, essentiel pour soigner les blessés sur le front. L’initiative, bien qu’honorable, révèle une situation sanitaire préoccupante, amplifiée par le conflit armé.
Pendant ce temps, à Goma, la guerre engendre une crise humanitaire et sanitaire majeure. La ville, qui accueille près d’un million de déplacés, est au bord d’une catastrophe de santé publique. Manque d’eau potable, d’infrastructures médicales et propagation de maladies infectieuses menacent de décimer la population, alors même que les vaccins contre des épidémies émergentes sont bloqués en raison de l’insécurité. Face à cette double urgence militaire et sanitaire, la RDC se trouve à un tournant décisif.
Le don de sang, catalyseur d’une mobilisation nationale
La campagne de don de sang organisée au Palais du Peuple se solde par une mobilisation patriotique sans précédent. De nombreux volontaires, jeunes pour la plupart, affluent pour donner leur sang, conscients du rôle vital qu’ils jouent dans le soutien aux forces armées. Certains, comme Grace Ngolo, expriment une solidarité sans faille : « Je n’ai pas de famille là-bas, mais la famille, c’est la RDC. »
Ce mouvement de solidarité s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’une nation en quête de résilience face à une menace persistante. Alors que l’armée congolaise peine à contenir l’avancée du M23, ces initiatives rappellent que le front militaire et le front civil sont indissociables. Pourtant, cette opération de don de sang révèle aussi les faiblesses structurelles du système de santé : pourquoi attendre une crise pour mobiliser les ressources nécessaires ? L’absence d’une banque de sang performante et accessible en temps de paix souligne un manque chronique de prévoyance sanitaire.
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Goma : une bombe sanitaire à retardement
Si les soldats bénéficient d’une mobilisation citoyenne, les civils, eux, sont livrés à un chaos sanitaire grandissant. Jean Kaseya, directeur de l’Africa CDC, tire la sonnette d’alarme : Goma est au bord d’un désastre. La ville, surpeuplée et dépourvue d’infrastructures de base, devient un terreau fertile pour les maladies. L’absence d’eau potable, d’hygiène et d’électricité exacerbe les risques d’épidémies.
L’apparition d’un nouveau variant du virus Mpox (MB), hautement contagieux et sexuellement transmissible, inquiète particulièrement les experts. Malgré la disponibilité de trois millions de doses de vaccin envoyées du Japon, l’insécurité empêche leur acheminement. Dans ce contexte, Goma devient un laboratoire du pire : une population prise en étau entre les balles et les virus.
La dualité entre la mobilisation pour l’armée et l’abandon sanitaire de l’Est illustre une gestion de crise asymétrique. Alors que le gouvernement parvient à organiser un don de sang dans la capitale, il peine à garantir des soins aux civils déplacés par la guerre. Cette priorisation des besoins militaires sur l’urgence humanitaire pose question : quelle est la véritable priorité des autorités ?
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Vers une catastrophe annoncée ?
Si le don de sang est une réponse immédiate aux blessures du front, il ne saurait remplacer une politique sanitaire cohérente et préventive. Le système de santé congolais manque de ressources, d’anticipation et de logistique, laissant chaque crise se transformer en catastrophe. La guerre contre le M23 révèle ainsi une autre bataille sous-jacente : celle de la gouvernance et de la gestion des urgences.
Le conflit à l’Est de la RDC ne se limite pas à un affrontement militaire. Il génère des dégâts humains et sanitaires considérables, menaçant la survie de populations déjà vulnérables. La collecte de sang est un acte louable, mais insuffisant : elle ne répond qu’à une partie du problème, tandis que l’Est du pays s’enfonce dans une crise sanitaire incontrôlable.
La situation exige une réaction immédiate et globale. Il ne s’agit plus seulement de sauver des soldats sur le champ de bataille grâce au don de sang, mais aussi d’empêcher une épidémie dévastatrice à Goma. L’acheminement sécurisé des vaccins, le renforcement des infrastructures sanitaires et un plan d’urgence pour l’eau potable doivent devenir des priorités absolues. Sans une prise de conscience rapide et des actions concrètes, la RDC risque de perdre la bataille sanitaire avant même d’avoir gagné la guerre militaire.
Tony A.