Le gouvernement malgache a fait un choix audacieux en adoptant un mécanisme d’ajustement automatique des prix du carburant à la pompe, lié aux cours internationaux. En vigueur depuis le 18 janvier, ce dispositif marque la fin d’une ère de subventions massives aux sociétés pétrolières, un effort financier qui pesait lourdement sur les finances publiques. Cette réforme, réclamée par le Fonds Monétaire International (FMI), est essentielle pour accéder à de nouvelles aides financières, mais elle soulève tout autant des inquiétudes quant à son impact sur le quotidien des Malgaches.
Bien que le premier ajustement ait entraîné une légère baisse des prix du carburant à la pompe, les consommateurs redoutent une hausse inévitable dans un contexte économique fragile. Avec un salaire minimum insuffisant pour couvrir les besoins de base, la population risque de subir les conséquences d’un système pourtant conçu pour soulager les finances de l’État.
L’ajustement des prix du carburant, une nécessité économique
Le mécanisme d’ajustement automatique des prix du carburant répond à un double objectif : stabiliser les finances publiques et respecter les engagements pris envers le FMI. En 2024, l’État malgache avait déboursé près de 100 milliards d’ariarys (21 millions de dollars) pour subventionner les produits pétroliers, notamment le pétrole lampant, très utilisé en milieu rural. Cette dépense colossale réduisait les marges de manœuvre budgétaires pour financer d’autres secteurs cruciaux comme l’éducation ou la santé.
Avec ce nouveau système, les prix seront ajustés mensuellement en fonction des fluctuations des cours internationaux et du taux de change, mettant fin à l’intervention directe de l’État. Selon le ministre de l’Énergie et des Hydrocarbures, Olivier Jean-Baptiste, cette mesure vise à rationaliser les dépenses publiques tout en évitant les dérives liées à la subvention permanente d’un secteur.
Cependant, cette transition est conditionnée par une maîtrise des fluctuations : les variations de prix à la pompe ne pourront excéder 200 ariarys par mois. Ce plafond, révisable deux fois par an, est censé prévenir des hausses brutales susceptibles de provoquer des tensions sociales.
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Une pression accrue sur les ménages vulnérables
Malgré les garanties du gouvernement, l’impact de cette réforme sur le pouvoir d’achat inquiète. Les prix des produits de première nécessité comme le riz, l’huile et le sucre connaissent déjà une inflation galopante. Selon Vonifanja Rakotondrahiratra, présidente du Réseau National de Défense des Consommateurs, les hausses futures du prix du carburant pourraient aggraver cette situation en augmentant les coûts de transport et, par ricochet, les prix des biens de consommation.
Dans un pays où le salaire minimum ne permet pas de subvenir aux besoins élémentaires, cette volatilisation des prix pourrait exacerber les inégalités et provoquer des mouvements sociaux. La stratégie gouvernementale repose donc sur des mesures d’accompagnement, comme la distribution de kits solaires aux ménages ruraux, afin de réduire leur dépendance au pétrole lampant.
Cette réforme pourrait également être l’occasion de repenser la politique énergétique de Madagascar. En investissant dans des énergies renouvelables, le pays pourrait atténuer sa dépendance aux fluctuations des marchés internationaux. La transition énergétique est déjà amorcée avec l’introduction de programmes solaires, mais des efforts accrus seront nécessaires pour garantir une énergie accessible et durable.
Cependant, le chemin vers l’énergie verte est semé d’embûches. Les infrastructures existantes et le manque de financement pour des projets à grande échelle limitent la capacité du pays à se détacher des combustibles fossiles. En attendant, les consommateurs continueront de supporter les fluctuations des prix.
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Une réforme aux répercussions économiques et sociales majeures
Le mécanisme d’ajustement automatique des prix du carburant représente une réforme économiquement nécessaire mais socialement risquée. Si elle permet à Madagascar d’améliorer sa gestion budgétaire et d’accéder à des financements internationaux, elle expose également une population vulnérable à des fluctuations de prix potentiellement douloureuses.
Pour que cette transition soit un succès, le gouvernement devra veiller à mettre en place des mesures compensatoires efficaces et élargir les programmes énergétiques durables. La confiance des citoyens, fragilisée par des décennies de crises économiques, repose sur la capacité des dirigeants à concilier discipline budgétaire et justice sociale. Madagascar joue une partie décisive, dont l’issue pourrait redéfinir son avenir économique.
Tony A.