La controverse enfle autour d’un contrat de fourniture d’électricité signé entre le Gabon et la société turque Karpowership. Deux ministres en exercice, Mays Mouissi, ex-ministre de l’Économie et actuel ministre de l’Environnement, ainsi que Charles Mba, ministre du Budget, font l’objet d’une enquête menée par la Commission nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. Accusés d’avoir perçu des pots-de-vin ou des rétro-commissions, les deux hommes politiques pourraient être entendus cette semaine.
Ce contrat, suspendu en novembre dernier, était destiné à résoudre les délestages récurrents à Libreville. Mais son coût exorbitant, 12 milliards de FCFA par mois, auxquels s’ajoutent les frais de fuel fournis par le Gabon, soulève des questions. Dans un climat d’opposition croissante, la société civile critique l’opacité et l’absence de consultation préalable.
Une crise énergétique mal gérée ?
Au cœur de cette affaire se trouve la question de la gouvernance des infrastructures énergétiques au Gabon. Depuis l’année dernière, les délestages frappent régulièrement Libreville, révélant des défaillances structurelles dans le secteur. Pour y remédier, deux bateaux-usines de la société turque avaient été mobilisés, présentés comme une solution temporaire. Toutefois, leur utilisation s’est avérée coûteuse et inefficace.
Au-delà du coût financier, c’est la gestion de ce contrat qui interpelle. Pourquoi un tel accord a-t-il été signé avec Karpowership sans un examen approfondi des implications économiques et environnementales ? L’implication directe de hauts responsables, ainsi que l’absence de transparence, suscite des soupçons légitimes. Cette affaire reflète une crise plus large, où les choix stratégiques semblent guidés par des intérêts individuels plutôt que collectifs.
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La société Karpowership fait pression
La société turque Karpowership ne compte pas renoncer facilement. Depuis la suspension du contrat, des pressions diplomatiques seraient exercées sur le Gabon pour honorer ses engagements. Ce qui met en évidence la fragilité des accords passés avec des partenaires internationaux dans un contexte de besoins énergétiques urgents.
D’autres questions se posent : quels rôles ont joué les différents acteurs impliqués, notamment la Société des patrimoines et le Fonds gabonais des investissements stratégiques ? Ces institutions, censées protéger les intérêts nationaux, se retrouvent aujourd’hui au centre de l’enquête. Cette situation avec Karpowership pourrait ternir davantage la réputation du Gabon sur la scène internationale.
Vers une redevabilité accrue ?
L’implication de la Commission nationale de lutte contre la corruption marque un tournant potentiel. En ciblant des ministres en exercice et des responsables stratégiques, l’organe anticorruption envoie un message clair : la lutte contre l’impunité est en marche. Toutefois, les attentes de la société civile restent élevées. À quand une révision en profondeur des mécanismes de passation des marchés publics ?
Pour l’heure, cette affaire met l’accent sur les défis de gouvernance auxquels le Gabon est confronté. Entre pressions économiques, diplomatiques et sociétales, les autorités devront rétablir la confiance. Cette crise pourrait devenir une opportunité pour instaurer des réformes profondes et poser les bases d’une gestion énergétique plus éthique et durable.
Tony A.