Un témoignage inédit vient bouleverser le paysage politique kényan. Justin Muturi, ministre des Services publics, a accusé cette semaine les services de renseignements d’avoir enlevé son fils Leslie en juin dernier. Cette déclaration publique marque la première fois qu’un membre du gouvernement évoque une disparition liée aux autorités. Ce témoignage intervient dans un contexte déjà tendu, marqué par une recrudescence des accusations de kidnappings ciblés, notamment depuis les manifestations anti-gouvernementales.
Dans une déposition rendue publique, Justin Muturi raconte l’enlèvement de son fils alors qu’il se rendait à une fête à Nairobi. Cagoulés et armés, les ravisseurs avaient toutes les apparences de criminels. Mais l’enquête du ministre l’aurait conduit à une vérité plus troublante : son fils aurait été détenu par les services de renseignements. Selon Justin Muturi, les interventions auprès de hauts responsables, y compris du président William Ruto, auraient permis la libération rapide de Leslie.
Les accusations de Justin Muturi : un tournant politique ?
Tandis que les soupçons sur l’implication des forces de sécurité s’intensifient, le témoignage du ministre Justin Muturi est particulièrement révélateur. Ceci du fait qu’il émane d’un ancien procureur général, connu pour sa proximité avec les cercles du pouvoir. En clair, les propos du ministre font rejaillir des inquiétudes grandissantes sur l’état de droit au Kenya. Si un ministre a eu besoin de l’intervention du président pour récupérer son fils, quelles chances ont les citoyens ordinaires de retrouver leurs proches ? Qu’en est-il des nombreuses familles anonymes qui n’ont pas ce privilège ?
L’affaire Muturi, avec ses ramifications au sommet de l’État, expose une possible instrumentalisation des forces de sécurité pour des objectifs opaques. Elle pourrait donc devenir un symbole des inégalités d’accès à la justice au Kenya, et un test pour la crédibilité des autorités face à leurs engagements en matière de droits humains.
Par ailleurs, cette situation relance les interrogations sur l’impunité présumée des forces de sécurité et sur le rôle de ces enlèvements dans le contrôle social et politique. Plus de 80 cas similaires ont été rapportés depuis juin 2023, alimentant les tensions dans un pays où la question des droits humains reste une préoccupation majeure.
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Un climat de suspicion généralisée
Les accusations portées par Justin Muturi surviennent dans un contexte où la société civile dénonce depuis des mois une hausse inquiétante des disparitions forcées. La Commission kényane de défense des droits humains et la police des polices ont signalé des dizaines de cas similaires, laissant planer l’idée que ces enlèvements ne seraient pas de simples actes isolés, mais potentiellement coordonnés.
L’incapacité ou le refus des autorités à enquêter de manière transparente sur ces actes renforce les doutes sur leur implication ou leur complicité tacite. L’absence de transparence et l’instrumentalisation présumée des forces de l’ordre constitue un problème structurel dans la gestion de la sécurité au Kenya.
Si la dénonciation publique d’un ministre est un signal fort, elle pourrait également ouvrir la voie à de nouvelles revendications de justice pour les victimes anonymes de ces pratiques. Face à la montée des critiques nationales et internationales, le gouvernement de William Ruto devra apporter des réponses claires pour restaurer la confiance dans l’État de droit, faute de quoi, ces révélations risquent d’aggraver une crise de légitimité déjà bien ancrée.
Tony A.