Dimanche dernier, Maria Sarungi Tsehai, militante tanzanienne de renom vivant en exil au Kenya, a été brièvement kidnappée. L’opération a eu lieu en plein jour dans le quartier de Kilimani, à Nairobi. Ce nouvel acte de kidnapping devient une tendance inquiétante avec la multiplication des enlèvements de dissidents politiques et étrangers sur le sol kényan. Libérée quelques heures plus tard grâce à la pression exercée par plusieurs ONG, Maria Sarungi Tsehai soupçonne les services de sécurité tanzaniens d’être derrière cette opération, qu’elle qualifie d’intimidation orchestrée au-delà des frontières de son pays natal.
Ce cas n’est pas isolé. Amnesty International, ainsi que l’association des juristes kényans, réclament une enquête approfondie sur ces pratiques. À travers ces événements, le Kenya, historiquement perçu comme un havre de paix pour les exilés et opposants africains, voit son image se terminer, tandis que des accusations de collusion avec les régimes répressifs voisins émergent.
Une capitale devenue le théâtre d’opérations politiques
Nairobi, capitale régionale et hub diplomatique, semble désormais s’imposer comme une plaque tournante des enlèvements politiques. Outre le cas de Maria Sarungi Tsehai, celle de l’opposant ougandais Kizza Besigye, enlevé dans un hôtel de Nairobi il y a deux mois, illustre une méthode bien rodée. Transféré de force en Ouganda, Besigye fait face à une cour martiale. Les autorités ougandaises ont affirmé avoir reçu une assistance kenyane dans cette opération, ce que Nairobi réfute effectivement, sans convaincre les observateurs.
Les disparitions ne concernent pas seulement les figures de l’opposition étrangère comme Maria Sarungi Tsehai. Des jeunes Kényans critiques du pouvoir sont également touchés. Même Justin Muturi, ministre kényan, a décrété l’enlèvement de son propre fils en juin dernier. Cette série noire interroge sur la réelle capacité ou la volonté des autorités kenyanes à protéger les libertés fondamentales sur leur sol.
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Les implications pour le Kenya et la région
Avec ce nouvel enlèvement de Maria Sarungi Tsehai, le Kenya risque de perdre son statut de refuge pour les dissidents et militants. Si les accusations de collusion avec des régimes voisins se confirment, Nairobi pourrait être perçue comme complice d’atteintes aux droits humains, ce qui nuirait à son influence diplomatique régionale.
De plus, cette situation alimente un climat de peur et de méfiance parmi les défenseurs des droits humains et les réfugiés politiques installés au Kenya. Amnesty International souligne que les enlèvements de réfugiés turcs en octobre dernier ont démontré un schéma systématique d’expulsions illégales.
À mesure que ces enlèvements se multiplient, une question cruciale se pose : le Kenya est-il encore un modèle de stabilité en Afrique de l’Est ? L’absence de réponses claires et d’enquêtes indépendantes pourrait marquer un tournant pour un pays jusque-là vu comme un garant de l’État de droit. La communauté internationale, mais aussi la société civile kenyane, devront redoubler de vigilance pour éviter que cette dérive ne devienne une norme.
Tony A.