L’ambition est titanesque : d’ici 2030, Madagascar veut plus que doubler son taux d’électrification pour atteindre 80 % de la population. Lors du Sommet Africain sur l’énergie en Tanzanie, le gouvernement malgache a dévoilé son Pacte national pour l’Énergie, un plan structurant censé transformer radicalement l’accès à l’électricité sur l’île.
Avec un investissement annoncé de 7,2 milliards de dollars, ce programme s’appuie largement sur le secteur privé pour financer et mettre en œuvre une grande partie des infrastructures. Mais Madagascar a-t-il les moyens de ses ambitions ? Entre financements incertains, obstacles logistiques et dépendance croissante au privé, le Pacte national pour l’énergie pose autant de questions qu’il ne suscite d’espoirs.
Un Pacte national colossal, mais un financement en suspens
La réussite du Pacte national pour l’énergie repose sur une mobilisation financière massive. Pour l’instant, seul un milliard de dollars a été sécurisé auprès des bailleurs internationaux. Où trouver les six milliards restants ? L’État mise sur l’implication du secteur privé, censé financer 60 % des investissements.
Ce modèle pose plusieurs défis. Les investisseurs répondront-ils à l’appel ? Dans un marché de l’énergie encore instable, certains pourraient hésiter à s’engager. Quels mécanismes de financement ? Le ministre de l’Énergie évoque des prêts à taux concessionnels et des dons, mais la dépendance aux financements extérieurs peut fragiliser la mise en œuvre. L’équilibre entre rentabilité et accessibilité : si le secteur privé prend la main, l’électricité restera-t-elle abordable pour les ménages malgaches ?
Dépendance au secteur privé : une solution viable ?
Pour électrifier rapidement les zones rurales, l’État mise sur les mini-réseaux et les kits solaires individuels, portés par des opérateurs privés. Objectif : 11 millions de nouveaux raccordements hors réseau, contre seulement 2 millions via le réseau national. Une approche pragmatique, mais qui soulève des inquiétudes.
D’abord, le risque de fragmentation du marché : avec une multitude d’acteurs privés, le gouvernement pourra-t-il garantir un service harmonisé et éviter les inégalités d’accès entre les régions ? Ensuite, le coût pour les usagers : contrairement à un réseau public subventionné, les solutions privées peuvent entraîner des tarifs élevés.
Autre problème, l’intégration au réseau national. Si les mini-réseaux se développent à grande échelle, la Jirama, la compagnie nationale d’électricité, pourra-t-elle absorber cette nouvelle dynamique sans risques de conflits de gestion ?
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Des grands projets en suspens, un calendrier incertain
Parallèlement aux initiatives décentralisées, Madagascar compte sur les centrales hydroélectriques de Sahofika et Volobe, censées fournir plus de 300 MW. Mais après huit ans d’attente, les travaux n’ont toujours pas commencé. Les négociations financières bloquent leur mise en œuvre, et leur mise en service ne devrait pas intervenir avant 2031, voire plus tard.
Cela signifie que, d’ici là, le réseau national restera sous tension. Sans une production suffisante pour répondre à la demande croissante, les délestages risquent de s’aggraver, mettant en péril la fiabilité du système énergétique. Madagascar est à un tournant décisif. Si le Pacte national pour l’Énergie atteint ses objectifs, il transformera en profondeur le quotidien de millions de Malgaches. L’accès à l’électricité pourrait stimuler le développement économique, l’éducation et la santé.
Mais l’équation reste complexe : le financement, la gouvernance et l’exécution du projet seront déterminants. Un tel pacte national exige une coordination sans faille entre l’État, les bailleurs et les entreprises privées. Madagascar a fait le choix de l’audace. Reste à voir si cette ambition se traduira en résultats concrets, ou si elle restera une promesse lumineuse, mais inaccessible.
Tony A.