Violences meurtrières, humanitaires et structurelles rythment depuis plus de deux décennies le quotidien de l’est de la République démocratique du Congo. Cette région du pays est en proie à des conflits armés récurrents. Si les affrontements entre groupes armés et forces régulières causent toujours de nombreuses pertes, ce sont les civils et en particulier les femmes, les enfants qui en subissent les conséquences les plus tragiques.
La dernière note du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH), publiée en mars 2025, tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Elle fait état d’une hausse vertigineuse des violences faites aux femmes, notamment sexuelles, dans les zones de conflit comme le Nord-Kivu, l’Ituri ou encore le Sud-Kivu. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais son amplification en ce début d’année 2025 interroge : le corps des femmes est-il devenu une arme stratégique de guerre ?
Les violences sexuelles, symptôme d’une guerre sans règle
Selon le BCNUDH, les violences basées sur le genre ont augmenté de 152 % entre janvier et février 2025 dans les zones de conflit à l’Est de la RDC. Ces chiffres, au-delà de leur froideur statistique, traduisent une réalité brutale : le viol est utilisé comme instrument de terreur et d’humiliation collective par des groupes armés en quête de domination territoriale ou ethnique.
Cette pratique, souvent planifiée, dépasse les actes individuels. Elle constitue une stratégie visant à briser le tissu social, traumatiser les communautés, et affaiblir la résilience des populations. Les femmes ne sont pas simplement des victimes collatérales. Elles sont ciblées pour ce qu’elles représentent dans la société mères, éducatrices, piliers économiques ou symboles identitaires.
En outre, le manque criant de protection dans les camps de déplacés, l’insuffisance des moyens judiciaires et l’impunité quasi systématique des auteurs contribuent à faire de ces violences un fléau chronique. Le silence institutionnel et les stigmates sociaux aggravent encore davantage la marginalisation des survivantes.
Lire Aussi : Médiation RDC-Rwanda : Pourquoi Faure Gnassingbé peut réussir là où d’autres ont échoué
Une alerte humanitaire et politique ignorée ?
Cette explosion des violences ne survient pas dans un vide institutionnel. Elle intervient alors que la présence des forces de la MONUSCO s’amenuise, et que l’insécurité s’étend dans des zones jusque-là relativement stables. Le Sud-Kivu en est un exemple frappant, avec une hausse de 158 % des violations des droits humains en un mois.
Plus inquiétant encore, l’ONU enregistre une montée des abus même en dehors des zones de guerre. À Kinshasa et dans le Haut-Katanga, les arrestations arbitraires et détentions illégales se multiplient, révélant une dérive sécuritaire préoccupante dans un contexte national marqué par l’expansion du groupe M23 et des tensions électorales latentes. Face à ces signaux, la réaction des autorités congolaises demeure timide. La lutte contre les violences sexuelles, pourtant désignée comme priorité nationale à maintes reprises, semble reléguée au second plan dans les discours politiques. Quant à la communauté internationale, sa mobilisation s’essouffle à mesure que la situation s’enlise.
Lire Aussi : RDC : Le spectre de Joseph Kabila hante le pouvoir en place
L’explosion des violences faites aux femmes à l’est de la RDC est le reflet glaçant d’un conflit devenu structurel et normalisé. Elle appelle à une mobilisation immédiate et coordonnée à la fois sur le terrain sécuritaire, judiciaire, humanitaire, mais aussi au niveau politique. Ignorer ces violations, c’est entériner un modèle de guerre où les corps féminins sont réduits à des champs de bataille. La RDC ne pourra aspirer à une paix durable tant que les crimes contre les femmes resteront impunis et que les survivantes seront laissées à elles-mêmes. La justice, la réparation, et la prévention doivent devenir les piliers d’une nouvelle approche centrée sur les droits humains.
Tony A.