Farmer Tantoh, militant écologiste camerounais, est à l’honneur en cette Journée de la Terre, célébrée dans un contexte de bouleversements climatiques accélérés et d’inégalités croissantes d’accès aux ressources naturelles. Sa reconnaissance intervient à travers le prix Earthna, décerné par la fondation du Qatar, qui met en lumière les initiatives environnementales s’appuyant sur les savoirs traditionnels. En 2025, Farmer Tantoh figure parmi les lauréats aux côtés du Kényan Elisha Caleb, tous deux récompensés pour leur engagement à concilier protection de l’environnement et valorisation des connaissances ancestrales.
Ce dernier, pionnier d’une écologie communautaire, a conquis les jurés grâce à son projet de conservation de l’eau, axé sur des pratiques simples, durables, et culturellement adaptées. Au-delà de la récompense symbolique, cette distinction n’est que le reflet d’un combat vital : celui de l’accès à l’eau potable comme droit fondamental, dans un monde où deux milliards d’humains en sont encore privés.
La force tranquille des pratiques locales selon Farmer Tantoh
À rebours des grands projets industrialisés, Farmer Tantoh prône une approche modeste, inclusive et régénératrice. En s’appuyant sur des techniques telles que la récupération des eaux de pluie, la protection des zones de captage et l’agroforesterie, il a permis à plus de 250 000 personnes au Cameroun d’accéder à une eau propre et durablement gérée. Cette approche fondée sur l’observation de la nature et le respect des écosystèmes locaux redonne à chaque village la capacité d’être acteur de sa propre résilience.
Là où les politiques publiques échouent souvent à couvrir les zones reculées, son initiative replace la communauté au centre de la gestion des ressources. Former les jeunes et les femmes, planter des espèces restauratrices, construire des réservoirs d’eau gravitaire : chaque geste devient une brique dans l’édifice d’une souveraineté hydrique locale.
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L’eau, une bombe à retardement géopolitique
Mais derrière ce succès se cache une alerte mondiale. Farmer Tantoh le dit sans détour : « Une guerre de l’eau menace l’humanité si nous ne changeons pas notre rapport à cette ressource. » En Afrique comme ailleurs, la raréfaction de l’eau alimente déjà tensions, migrations et conflits. L’urbanisation anarchique, la déforestation, les industries extractives ou encore le dérèglement climatique exacerbent la crise.
Le projet de Farmer Tantoh est donc bien plus qu’un modèle local, il devient une proposition politique. Réhabiliter les savoirs endogènes, responsabiliser les populations, repenser nos modèles de développement sont autant de pistes vers une paix durable. Le prix Earthna, doté d’un million de dollars, offre un souffle nouveau à ces actions, tout en posant une question dérangeante : pourquoi faut-il attendre un prix international pour prendre au sérieux ce que les communautés savent depuis toujours ?
L’histoire de Farmer Tantoh incarne une vérité puissante : la solution à certaines des crises les plus urgentes de notre époque réside peut-être dans les racines mêmes des peuples. À l’heure où le monde cherche des réponses technologiques aux défis écologiques, l’eau, source de vie mais aussi de conflits potentiels, appelle à une révolution douce, fondée sur la mémoire, la simplicité et la solidarité. Le combat de Farmer Tantoh montre que protéger la planète commence souvent… par écouter ceux qui vivent au plus près de ses sources.
Tony A.