Dans une capitale aussi densément peuplée qu’Antananarivo, l’accès à l’eau potable demeure un défi vital. Alors que près d’un tiers des besoins quotidiens ne sont pas couverts, les autorités malgaches lancent un chantier d’envergure pour rénover les infrastructures d’approvisionnement en eau. Ce projet phare, initié par le président Andry Rajoelina à l’occasion de la « semaine nationale de l’eau », vise à améliorer significativement la qualité et la disponibilité de l’eau dans l’agglomération.
Mais si les objectifs affichés sont ambitieux produire et distribuer 300 000 m³ d’eau potable par jour contre 200 000 actuellement, la population, elle, reste partagée entre espoir et scepticisme. Car derrière le symbole politique se cache une réalité quotidienne plus complexe : pénuries chroniques, tuyaux vétustes, files d’attente à l’aube, et promesses souvent sans lendemain.
L’eau, au cœur d’un enjeu social et économique majeur
L’accès à l’eau ne se résume pas à une question d’infrastructures. C’est un levier central de justice sociale. À Antananarivo, les populations les plus vulnérables subissent de plein fouet les conséquences des pénuries. Il s’agit notamment de la perte de temps, désorganisation économique, atteinte à la dignité. Comme en témoigne Gabriel, restaurateur de quartier, les coupures imprévues forcent certains à parcourir jusqu’à 6 kilomètres pour remplir quelques bidons, bouleversant le rythme de vie quotidien.
À cela s’ajoute la défaillance du réseau : 20% de l’eau produite est aujourd’hui perdue en raison de fuites massives dans les conduits. Un gaspillage d’autant plus préoccupant que la fin de la saison des pluies fait planer l’ombre de nouvelles sécheresses. La rénovation promise, à savoir le remplacement de 64 km de tuyaux, nouvelles stations de traitement est donc une urgence autant qu’une nécessité stratégique pour la résilience urbaine.
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Méfiance citoyenne et défi de la gouvernance publique
Mais l’enjeu principal ne réside peut-être pas uniquement dans la technique. Il repose aussi sur la crédibilité de l’État. Comme Josiane, responsable d’une borne-fontaine, nombreux sont les citoyens qui doutent de la réalisation effective du projet. Leur scepticisme n’est pas gratuit : il s’enracine dans un passif de projets inachevés, de promesses politiques non tenues, et d’un manque de transparence sur les délais et les moyens mis en œuvre.
Le chantier, présenté comme structurant, n’échappe pas à la critique : son impact environnemental et social n’est pas encore entièrement évalué, et les perturbations qu’il entraînera sur la circulation dans la capitale risquent de cristalliser davantage les tensions. La réussite de ce projet dépendra autant de son exécution technique que de la capacité des autorités à regagner la confiance des citoyens, via une communication claire, un calendrier respecté et des résultats tangibles.
Antananarivo a soif, non seulement d’eau potable, mais aussi de gouvernance efficace et de promesses tenues. Le chantier de rénovation du système d’approvisionnement est une opportunité rare de répondre à ces attentes. Mais il sera aussi un test décisif pour le pouvoir en place, entre symbolisme politique et exigence concrète. Car dans la capitale malgache, il ne suffit plus d’inaugurer des projets : il faut les mener à bien. Et redonner aux citoyens l’envie et le droit d’y croire.
Tony A.