En Éthiopie, 650 000 femmes et enfants malnutris perdront, dès mai 2025, l’accès à une aide alimentaire vitale fournie par le Programme alimentaire mondial (PAM). Dans un pays déjà ravagé par les conflits internes, les chocs climatiques et l’arrivée massive de réfugiés, cette suspension d’aide marque un tournant critique dans une crise humanitaire persistante. Elle révèle surtout un malaise plus profond : le désengagement croissant de la solidarité internationale face à l’urgence humanitaire sur le continent africain.
Alors que l’Éthiopie concentre aujourd’hui l’une des situations les plus alarmantes en matière de sécurité alimentaire, la baisse drastique de l’aide internationale plonge les organisations humanitaires dans l’impasse. Le PAM, confronté à un déficit de financement de 222 millions de dollars pour les six prochains mois, se voit contraint de revoir à la baisse ses objectifs d’assistance. Cette volte-face humanitaire interroge : comment expliquer une telle déconnexion entre les urgences sur le terrain et les priorités des bailleurs internationaux ?
Une crise humanitaire aux multiples visages en Éthiopie
L’Éthiopie n’est pas seulement victime de la malnutrition. Elle est aujourd’hui le carrefour d’une série de crises interconnectées. Aux conflits internes qui perdurent depuis plusieurs années, s’ajoutent des déplacements massifs, l’arrivée de réfugiés du Soudan et du Soudan du Sud, et les effets destructeurs des sécheresses récurrentes. Résultat, plus de 10 millions de personnes sont menacées par la faim et la malnutrition selon le PAM.
Parmi les victimes, les femmes enceintes, allaitantes et les enfants en bas âge sont les plus exposés. Sans suppléments nutritionnels, leur sort est directement lié à la disponibilité des financements. « Nous sommes complètement à court d’aliments enrichis », déplore Claire Neville, porte-parole du PAM. Or ces denrées constituent souvent la dernière barrière contre des carences irréversibles ou des décès précoces.
Lire Aussi : Prix Earthna : Farmer Tantoh parie sur les savoirs ancestraux face à la crise de l’eau
L’ombre d’un désengagement mondial
Si la crise est aussi aiguë, c’est en partie parce que les financements n’arrivent plus. La diminution de l’aide publique au développement de 7,1 % par rapport à 2023, rapportée récemment par l’OCDE, traduit un repli des bailleurs face aux enjeux globaux. Les coupes opérées par certains pays, notamment les États-Unis depuis le retour de Donald Trump, compromettent directement l’action de terrain.
Cette dynamique fragilise durablement les mécanismes d’urgence. Le PAM, qui devait toucher deux millions de femmes et enfants en Éthiopie en 2025, doit revoir ses ambitions. Et les conséquences sont gravissimes : la malnutrition infantile a des effets irréversibles sur le développement physique et cognitif des enfants. En abandonnant cette mission, c’est une génération entière qui risque de payer le prix de l’indifférence.
L’annonce du PAM résonne comme une alerte rouge dans le silence assourdissant des bailleurs. Ce n’est pas simplement une ligne budgétaire qui disparaît, ce sont des vies qui vacillent, dans l’attente d’une main tendue. Le cas éthiopien illustre une réalité plus large. Sans engagement soutenu et prévisible, l’aide humanitaire devient un mirage. Le monde peut-il encore se permettre de tourner le dos aux plus vulnérables ? Si la solidarité internationale faillit aujourd’hui, c’est l’humanité tout entière qui perd demain.
Tony A.