Le 27 mars 2025, Kigali a franchi un cap supplémentaire dans la détérioration de ses relations avec Bruxelles en annonçant l’interdiction de toute coopération, partenariat et financement entre les organisations opérant au Rwanda et les institutions belges. Cette décision fait suite à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays et impose des sanctions immédiates aux ONG, organisations religieuses et fondations concernées, sous peine de perdre leur licence d’opération. La mesure soulève de vives inquiétudes parmi les acteurs de la société civile, qui redoutent un impact sévère sur leurs activités et le soutien aux populations vulnérables.
L’ampleur des conséquences de cette interdiction est difficile à mesurer à ce stade, mais elle risque d’affecter directement des secteurs vitaux tels que la santé, l’agriculture et la protection sociale. L’Agence belge de développement (Enabel) prévoyait un investissement de 95 millions d’euros jusqu’en 2029 dans ces domaines stratégiques, auxquels s’ajoutaient 17 millions d’euros destinés à des projets de protection sociale. Cette manne financière représentait un appui crucial pour de nombreuses initiatives locales. Désormais, plusieurs ONG à Kigali se retrouvent dans l’incertitude, certaines ayant déjà dû suspendre leurs activités, faute de financement alternatif immédiat.
Une mesure qui accentue les tensions et fragilise la société civile
Cette interdiction marque un tournant dans la politique étrangère de Kigali et montre une volonté de rupture nette avec l’influence belge. Pourtant, la brutalité de la mesure surprend et inquiète, car elle affecte directement la société civile rwandaise et les bénéficiaires des programmes soutenus par la coopération belge. Pour de nombreuses ONG, cette interdiction s’ajoute à une série de restrictions internationales, notamment la suspension récente des aides américaines, ce qui fragilise davantage le tissu associatif et les initiatives locales.
Certaines organisations cherchent déjà des alternatives en explorant d’autres sources de financement, mais l’instabilité diplomatique rend ces efforts compliqués. « Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact exact, mais nous sommes en train de chercher des solutions auprès d’autres partenaires », confie le directeur d’une ONG affectée. Cependant, la crainte de voir d’autres pays suivre l’exemple belge et suspendre leurs relations avec Kigali pèse lourdement sur les perspectives d’avenir de ces acteurs.
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Un pari risqué pour Kigali ?
Face aux inquiétudes grandissantes, le ministre rwandais des Finances, Yusuf Murangwa, tente de rassurer en affirmant que le gouvernement rwandais saura compenser le manque à gagner dans les secteurs critiques. Néanmoins, cette annonce laisse sceptiques de nombreux observateurs, qui doutent de la capacité de l’État à absorber un tel choc budgétaire. En effet, bien que le Rwanda ait amorcé une stratégie d’autosuffisance économique, la contribution des partenaires internationaux demeure essentielle pour le financement des infrastructures et des services sociaux.
En s’éloignant de la Belgique, Kigali envoie un message fort sur sa volonté de contrôler entièrement son développement sans dépendre des anciennes puissances coloniales. Toutefois, cette posture pourrait se révéler coûteuse si elle se traduit par un isolement progressif sur la scène internationale. À long terme, la question se pose : le Rwanda pourra-t-il réellement compenser l’absence de financement belge sans compromettre les acquis de ces dernières années en matière de développement social et économique ?
L’interdiction de coopération avec les institutions belges est une décision aux ramifications multiples. Si elle s’inscrit dans une logique de souveraineté revendiquée par Kigali, elle pose de sérieux défis pour les organisations qui œuvrent sur le terrain et pour les populations qui bénéficient de leurs actions. Entre incertitudes financières, réorientation des fonds et éventuel isolement diplomatique, le Rwanda prend un pari risqué dont les effets concrets se mesureront dans les mois à venir. Pour l’heure, la société civile, déjà fragilisée, tente de s’adapter, tandis que les autorités assurent que le pays saura surmonter ce nouveau défi.
Tony A.