Depuis juillet 2024, le Soudan est frappé par une épidémie de choléra d’une ampleur alarmante, faisant plus de 2 300 morts et infectant plus de 91 000 personnes dans 17 États. Cette crise sanitaire, bien qu’extrêmement grave, n’est que la partie émergée d’un iceberg de défaillances systémiques aggravées par une guerre fratricide, des inondations et un effondrement des structures publiques.
Dans ce pays où la santé publique est au bord de l’asphyxie, l’épidémie de choléra révèle à quel point le conflit armé, les déplacements de populations et l’effondrement des services essentiels interagissent pour amplifier une tragédie déjà colossale. Alors que les projecteurs internationaux restent braqués sur d’autres crises mondiales, le Soudan s’enfonce dans un silence mortel.
Une épidémie hors de contrôle dans un système de santé à genoux
Le ministère de la Santé soudanais a recensé plus de 1 300 nouveaux cas de choléra rien que pour la semaine du 12 au 18 juillet. Des localités comme Tawila (Darfour Nord) et Bileil (Darfour Sud) deviennent des foyers d’infection et de mortalité. Ces zones sont aussi celles les plus touchées par les combats, aggravant l’impossibilité d’accès aux soins.
Expulsés vers l’oubli : les Soudanais piégés entre la guerre et la répression libyenne
Aujourd’hui, entre 70 et 80 % des structures médicales dans les zones de conflit sont hors service. Plus de 250 hôpitaux ont fermé leurs portes, faute de personnel, d’équipement ou de sécurité. Le choléra, pourtant évitable par une gestion de l’eau et de l’hygiène efficace, se propage dans des zones sinistrées où les populations vivent dans des camps de fortune, sans eau potable, ni latrines, ni assistance médicale de base.
Lire Aussi : Nigeria : Le combat solitaire de Natasha Akpoti-Uduaghan
Choléra, guerre et pluie : la tempête parfaite
La saison des pluies aggrave la situation. Paludisme, dengue et autres maladies hydriques prolifèrent dans un contexte où les inondations détruisent routes et villages. À cela s’ajoute une dynamique de retour massif de populations déplacées dans des zones non préparées à les accueillir. Ces déplacements exposent encore plus de personnes à des conditions sanitaires désastreuses.
Crise au Soudan : la famine s’aggrave après l’arrêt des financements américains
La guerre entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide, qui dure depuis avril 2023, a déjà fait des dizaines de milliers de morts et déplacé plus de 10 millions de personnes. Les États les plus touchés par le choléra sont souvent ceux où l’accès humanitaire est restreint, rendant toute intervention préventive ou curative quasi impossible. Le choléra devient alors le révélateur d’un État failli, incapable de protéger ses citoyens, ni en temps de paix, ni en temps de guerre.
Le drame soudanais se joue dans une relative indifférence internationale. L’épidémie de choléra, pourtant évitable, aurait pu être contenue avec une mobilisation rapide et coordonnée. Mais dans un pays en guerre, sans gouvernance fonctionnelle, la santé publique devient une victime collatérale de choix. Si rien n’est fait, le choléra continuera de tuer non seulement à cause de la bactérie, mais à cause d’un système brisé par des années de guerre, d’isolement diplomatique, et d’un effondrement général des institutions. Le Soudan n’a pas seulement besoin de vaccins ou de chlore : il a besoin de paix, de reconstruction et de solidarité.
Tony A.

