Le groupe Bolloré et son fondateur, Vincent Bolloré, sont à nouveau sous le feu des projecteurs judiciaires. Cette fois, c’est une plainte déposée le mardi 18 mars devant le Parquet National Financier (PNF) de Paris qui remet en cause les pratiques du géant français en Afrique. À l’initiative du collectif Restitution pour l’Afrique, regroupant onze ONG actives dans six pays africains (Togo, Guinée, Cameroun, Ghana, Côte d’Ivoire et RDC), cette plainte étau des accusations de « recel » et de « blanchiment d’argent » en lien avec les activités logistiques du groupe, notamment la gestion des ports.
Cette action judiciaire repose sur un concept inédit : les « biens mal acquis inversés », un terme employé par les plaignants pour dénoncer la revente en 2022 des activités africaines de Bolloré pour plusieurs milliards d’euros, après des décennies d’exploitation controversée. Derrière cette initiative, un objectif clair : faire appliquer la convention de Mérida, un mécanisme qui permet la réallocation des fonds issus de la corruption aux populations lésées.
La méthode Bolloré dans le viseur
Derrière cette plainte, il ne s’agit pas seulement de dénoncer un acteur économique, mais de remettre en cause un système structuré d’influence, de financement politique et de captation des richesses africaines. Jean-Jacques Lumumba, militant anti-corruption et président du collectif, pointe un mécanisme bien rodé : « Nous tentons de condamner la méthode Bolloré, les pratiques et le système mis en place pour faire gagner des élections et obtenir des intérêts économiques en gérant les ports africains. »
L’argument central des plaignants repose sur une logique implacable : grâce à une stratégie d’influence politique et de conflits d’intérêts, Bolloré aurait engrangé des profits colossaux à travers la gestion de ports stratégiques, avant de céder ces actifs en 2022 pour 5,7 milliards d’euros. Une opération perçue comme une tentative de « blanchiment de capitaux à grande échelle », avec des fonds atterrissant en France sans qu’aucun mécanisme de redistribution ne soit mis en place au profit des États et des populations africaines concernées.
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Un précédent judiciaire aux répercussions potentielles majeures
Si cette plainte à ce sujet, elle pourrait ouvrir une brèche juridique historique dans les relations économiques entre la France et l’Afrique. L’application de la convention de Mérida pourrait contraindre la France à inverser une partie des gains jugés illicites aux pays concernés. Une première, qui poserait un précédent aux implications multiples : une remise en cause des pratiques d’influence économique des multinationales en Afrique.
Une possible vague de poursuites judiciaires contre d’autres entreprises accusées de profiter des failles institutionnelles africaines. Un signal fort envoyé aux autorités judiciaires européennes sur la nécessité de transparence et d’éthique dans le commerce international. Cette affaire dépasse largement le cadre d’un simple contentieux financier. Elle a rencontré en lumière une demande croissante de justice économique en Afrique, dans un contexte où les populations et les organisations de la société civile exigent une plus grande redevabilité des multinationales.
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Vers un tournant dans la justice économique ?
En s’attaquant frontalement à un géant économique comme Bolloré, le collectif Restitution pour l’Afrique ouvre un débat crucial : celui de la responsabilité des grandes entreprises dans le développement et la stabilité économique des pays africains. Si la justice française décide d’instruire cette plainte et d’appliquer la convention de Mérida, cela pourrait marquer un tournant historique dans la lutte contre la corruption internationale et le pillage des ressources africaines.
Ce dossier illustre une nouvelle dynamique où les voix africaines, de plus en plus structurées et audibles sur la scène internationale, ne comptent plus rester spectatrices face aux pratiques jugées prédatrices. La question est désormais entre les mains des juges français, dont la décision pourrait redéfinir les règles du jeu des relations économiques entre la France et l’Afrique.
Tony A.