vendredi, mai 17 2024

Après avoir conduit pendant plus de 10 ans le Sénégal sous un semblant de démocratie, le président Macky Sall empile les ingrédients constitutifs du scénario chaotique de 2011-2012 qui l’avait amené au pouvoir. Après les multiples manœuvres d’exclusion de certains candidats à la présidentielle, c’est le scrutin lui-même que le président sénégalais s’attaque dorénavant.

Samedi dernier, le président Macky Sall a, par décret, décidé du report de la présidentielle prévue le 25 février au Sénégal. Cette décision qui est tombée à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale, a suscité une vive protestation de la classe politique et de la population sénégalaise. Le parlement a étudié ce lundi une proposition de loi visant à consacrer ce report.

Macky Sall, seul contre tous

Le président sénégalais Macky Sall a justifié son décret de report de la présidentielle par la mise en place d’une commission parlementaire enquêtant sur deux juges de la Conseil constitutionnel accusés de corruption par le parti de Karim Wade. En effet, ce dernier a vu sa candidature rejetée pour sa double nationalité. Le président a annoncé la convocation d’un dialogue national « inclusif » pour créer les conditions d’une élection « libre, transparente et inclusive ».

Cette décision, une première depuis 1963, a provoqué un tollé dans la classe politique et jeter de nouveau les sénégalais dans la rue, alors que l’on croyait ces épisodes de violences terminées après la mise sous silence d’Ousmane Sonko. Dimanche, la capitale Dakar était le théâtre d’affrontements entre forces de l’ordre et manifestants, ces derniers promettant de remettre le couvert ce lundi devant l’Assemblée nationale. C’est donc une nouvelle phase de violences pré-électorale qui s’ouvre après celles provoquées par la cabale judiciaire orchestrée contre Ousmane Sonko dont le but était visiblement de l’écarter de la course à la présidence.

Cette situation créée par le président Macky Sall rappelle celle de 2011 que lui-même avait combattu face au président de l’époque Abdoulaye Diop. A l’époque M. Sall, opposant, avait déclaré qu’on peut repousser des élections locales, des élections législatives, à la limite ; « mais le président de la République ne peut pas prolonger son mandat, c’est impossible » sauf pour des conditions particulières comme la guerre. Le président ne peut pas « augmenter d’une journée son mandat, sinon le pays serait dans le chaos, puisque les gens ne le reconnaitraient plus » et le peuple devrait tout mettre en œuvre pour reprendre la souveraineté volée, avait-il ajouté. Par ces propos, M. Sall s’opposait à la volonté de Wade de reporter le scrutin présidentiel.

Lire Aussi : SÉNÉGAL : LE PARLEMENT VOTE LA CRÉATION D’UN COMITÉ D’ENQUÊTE SUR LE PROCESSUS ÉLECTORAL

Retour à la case départ

En 2024, Macky Sall a les mêmes ambitions qu’il avait combattu en 2011. Et contre l’opposition qui veut user de tous les moyens pour s’opposer à cette décision, comme lui-même s’en était prévalu en 2011, sont lâchées les forces de l’ordre. Quant aux arguments évoqués par le président notamment la probité des juges du Conseil constitutionnel, l’ancien ministre de l’Énergie Thierno Alassane Sall, l’a battu en brèche. Pour lui, les décisions des juges « sont justes et justifiées ».

Il accuse Karim Wade d’avoir menti en 2019 sur sa nationalité unique et qu’au moment du dépôt de sa candidature en 2023, il avait toujours la double nationalité, sénégalaise et française ; ce qui rendait irrecevable sa candidature. Les positions sont donc tranchées et le chaos que Macky Sall voulait éviter en 2011, risque de se produire en 2024 sous son instigation. En voulant prolonger son mandat jusqu’en août 2024 au lieu qu’il finisse en avril, possibilité qu’il qualifiait en 2011 de « fiction » s’agissant du mandat d’Abdoulaye Wade ; M. Sall a déjà déclenché contre lui la vague de protestation à laquelle il avait appelé en 2011.

L’opposition dans son ensemble soutient qu’à partir du 2 avril, M. Sall ne sera plus reconnu comme président du Sénégal et appelle les populations à la désobéissance civile. Elle promet aussi démarrer la campagne électorale conformément au chronogramme initial. Un recours est aussi déposé devant le Conseil constitutionnel pour barrer la route à Macky Sall, et au parlement, la classe politique veut tout mettre en œuvre pour empêcher le vote de la proposition de loi.

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