Le 13 mai 2025 marque un tournant historique au Mali. Par décret présidentiel, tous les partis politiques et organisations à caractère politique sont dissous sur l’ensemble du territoire national. L’annonce, faite par le ministre délégué aux réformes politiques, Mamani Nassiré, lors d’un Conseil des ministres extraordinaire, officialise une décision qui couvait depuis plusieurs semaines. Derrière la formule administrative se cache une entreprise de démolition du pluralisme politique, désormais considéré par les autorités comme un obstacle à leur feuille de route transitionnelle.
Cette décision survient dans un climat déjà lourd de contestations. Les formations politiques, alarmées par les signaux de plus en plus autoritaires émis par la junte au pouvoir depuis le coup d’État de 2021, avaient dénoncé une manœuvre liberticide. Loin d’apaiser les tensions, le décret acte la marginalisation complète de toute opposition structurée. Le message est clair : dans le Mali post-2025, toute expression politique organisée est désormais hors-la-loi.
L’effacement des partis politiques au profit d’un régime autoritaire assumé
En supprimant l’ensemble des partis, les autorités de transition posent les jalons d’un pouvoir sans contrepoids. Cette dissolution ne s’inscrit pas seulement dans une logique de « réforme » ou de « rationalisation du paysage politique », comme l’indique le gouvernement. Elle reflète surtout une volonté de verrouiller toute dissidence, dans un contexte où le discours sécuritaire et souverainiste légitime une dérive autocratique. Le prétexte de refonder la vie politique en limitant le nombre de partis ou en interdisant leur financement public sert une concentration inédite du pouvoir exécutif.
Permis miniers retirés : la Guinée muscle sa souveraineté sur ses ressources
En réalité, cette réforme consacre la fusion entre pouvoir d’État et appareil militaire. Le gouvernement malien, désormais débarrassé des contre-pouvoirs institutionnels classiques, évolue vers une structure verticale et unipersonnelle. Les arrestations récentes de figures de la contestation et les interdictions d’activités politiques témoignent de la volonté d’éradiquer non seulement les partis, mais aussi l’esprit d’opposition. Un glissement vers le modèle du régime de Moussa Traoré, auquel font allusion nombre d’opposants, semble se confirmer.
Lire Aussi : Arrestation d’Ibrahim Courmo : L’empire Orano vacille au Niger
L’avenir incertain d’une société privée de boussole démocratique
Dans ce paysage désertifié politiquement, la voix des citoyens se trouve reléguée à la clandestinité ou à la résignation. Si certains cadres espèrent engager des recours juridiques contre le décret, leur légitimité est d’ores et déjà compromise par la dissolution de leur propre statut légal. L’espace de débat se rétrécit, et la mobilisation civique se heurte à une répression annoncée. La référence à la Charte du Mandé de 1236, faite par certains contestataires, sonne comme un rappel symbolique : le peuple malien n’est pas étranger à la lutte pour la liberté et la justice.
Mais à court terme, c’est bien l’enfermement politique qui domine. Le Mali entre dans une zone grise où l’État s’arroge le monopole de la légitimité politique, excluant toute expression pluraliste. Dans un pays déjà miné par l’instabilité sécuritaire, ce choix pourrait accentuer la fracture entre dirigeants et population, nourrir une résistance souterraine et, paradoxalement, fragiliser un pouvoir qui voulait se renforcer.
La dissolution des partis politiques au Mali n’est pas une simple réforme administrative : elle consacre la mise en hibernation de la démocratie malienne. En liquidant les instruments classiques du jeu politique, la junte confirme qu’elle ne prépare pas une transition démocratique, mais un basculement vers un régime personnel. Le silence forcé imposé aux opposants n’effacera pas les tensions sociales, ni les aspirations profondes du peuple malien à une gouvernance partagée. Reste à savoir si cette régression provoquera, à terme, un sursaut populaire ou l’ancrage durable d’un pouvoir autoritaire.
Tony A.

