Le 5 mai 2025, les locaux d’Orano à Niamey ont été perquisitionnés par la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE). Cette opération, suivie de la mise sous scellés des bureaux, marque un tournant dans le bras de fer entre le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) et le géant français de l’uranium. Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, les autorités nigériennes multiplient les gestes de rupture avec leurs anciens partenaires occidentaux, affirmant une souveraineté sans compromis sur leurs ressources stratégiques.
L’uranium, longtemps au cœur du partenariat franco-nigérien, est désormais un champ de confrontation diplomatique, économique et symbolique. Le silence radio autour du directeur local d’Orano, Ibrahim Courmo, emmené lors de la perquisition, illustre à quel point le dialogue entre Niamey et Paris est rompu. Et derrière l’affaire Orano se cache un enjeu plus vaste : la redéfinition du rôle des multinationales étrangères dans un Sahel en recomposition.
Un divorce énergétique aux répercussions stratégiques pour Orano
L’affaire Orano n’est pas qu’un incident isolé : elle illustre une tendance profonde de souverainisation des ressources naturelles par les régimes militaires au Sahel. Depuis 50 ans, la France a bâti une partie de son indépendance énergétique sur l’uranium nigérien. Or, aujourd’hui, le CNSP veut rompre avec cette dépendance asymétrique. L’interruption de l’exploitation, la suspension des travaux sur les anciens sites miniers et la radiation du permis d’Imouraren montrent clairement que le Niger ne souhaite plus être un simple fournisseur de matière première sans contrepartie équitable.
L’enjeu dépasse le cas Orano. Il s’agit pour le Niger de renégocier le contrat social et économique autour de ses richesses minières. Dans une logique panafricaniste revendiquée, Niamey cherche à établir de nouveaux partenariats, potentiellement avec des puissances non occidentales comme la Russie, la Chine ou la Turquie. Le bras de fer avec Orano devient ainsi un signal fort envoyé à tous les opérateurs étrangers : les règles du jeu ont changé.
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Vers une judiciarisation des conflits extractifs
L’affaire prend aussi une tournure judiciaire. Des organisations de la société civile envisagent des poursuites contre la direction de la Cominak pour suspension des travaux de réaménagement, voire pour des atteintes environnementales. La judiciarisation des conflits extractifs constitue une nouvelle arme des États ou de leurs sociétés civiles face aux géants miniers. C’est aussi un moyen de renforcer la pression nationale et internationale sur ces entreprises pour qu’elles rendent des comptes.
Pour Orano, cette situation ouvre une période d’incertitude extrême. Privée de permis, isolée de ses filiales, et désormais confrontée à un isolement politique total, la multinationale a saisi les instances d’arbitrage international. Mais dans un contexte de rejet croissant des anciennes puissances coloniales, ces procédures risquent de nourrir une rhétorique anti-impérialiste déjà bien installée.
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La perquisition des locaux d’Orano est bien plus qu’un fait divers sécuritaire : elle marque la fin d’un cycle de coopération franco-nigérienne basé sur l’exploitation unilatérale des ressources. Le Niger post-2023 veut redessiner ses rapports économiques et géopolitiques en profondeur, quitte à s’attirer les foudres des multinationales. Reste à savoir si cette réaffirmation de souveraineté pourra déboucher sur un véritable développement local, ou si elle ouvrira un nouveau cycle d’isolement économique. Une chose est sûre : le modèle extractif hérité de la Françafrique vit ses derniers jours au Sahel.
Tony A.