C’est une décision historique que vient de rendre la Haute Cour de Nairobi. La justice kényane se déclare compétente pour juger le géant américain Meta, maison-mère de Facebook. Ce verdict marque un tournant dans la bataille pour la souveraineté numérique africaine et la responsabilisation des plateformes face aux conséquences réelles de leurs algorithmes. À l’origine de cette affaire, deux Éthiopiens Abhram Meareg et Fisseha Tekle, victimes directes de la haine attisée par Facebook durant la guerre du Tigré.
Alors que Meta estimait ne pas pouvoir être poursuivie devant une juridiction kenyane, cette reconnaissance de compétence judiciaire symbolise une avancée majeure pour les droits des victimes africaines. Jusqu’où les plateformes numériques sont-elles responsables des contenus qu’elles diffusent, et devant quelles juridictions doivent-elles en répondre ?
Meta rattrapé par la justice africaine
En contestant la compétence des juridictions kényanes, Meta espérait éviter un précédent judiciaire en Afrique. Mais la décision de la Haute Cour de Nairobi vient balayer cette tentative, affirmant la souveraineté du continent sur les affaires touchant ses ressortissants. « Les vies africaines comptent », a déclaré Abhram Meareg, rappelant que le numérique n’a pas de frontières, mais que la justice, elle, peut s’y imposer.
Ce procès devient un symbole de l’émancipation numérique africaine. Il montre que les États ne veulent plus être des zones de non-droit où les plateformes peuvent agir sans rendre de comptes. Si le procès va à son terme, il pourrait ouvrir la voie à une vague d’autres recours sur le continent, notamment dans les pays marqués par des conflits attisés par les réseaux sociaux.
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Algorithmes toxiques et quête de réparation
Au cœur du procès, la question de l’algorithme de Facebook, accusé d’avoir promu les contenus haineux pour maximiser l’engagement. Rosa Curling, directrice de Foxglove, dénonce une mécanique qui « valorise la violence » au mépris de la sécurité des populations. Les plaignants réclament non seulement la modification de cet algorithme, mais aussi la création d’un fonds de dédommagement doté d’au moins 2,5 milliards de dollars.
Ce procès indique un enjeu majeur, celui de la responsabilité des géants du numérique dans la prévention des violences. Peut-on encore parler de simples « hébergeurs » quand leurs technologies influencent massivement les comportements ? Le verdict à venir pourrait non seulement fixer un cadre pour l’Afrique, mais aussi peser sur les débats globaux autour de la régulation des plateformes.
En osant défier Meta sur son propre terrain « celui du droit » la justice kényane envoie un signal fort : l’Afrique n’est plus une périphérie numérique. Ce procès historique pourrait redéfinir le rapport de force entre États africains et multinationales du digital. Il en va de la dignité des victimes, mais aussi du droit des peuples à un Internet éthique, équitable et responsable. Le message est clair : le continent ne veut plus être une zone grise du numérique mondial.
Tony A.