Le paysage médiatique sénégalais est en pleine mutation, et le gouvernement semble décidé à rattraper son retard en matière de régulation. Lors de l’ouverture de la conférence des régulateurs des médias francophones, le ministre de la Communication, Aliou Sall, a annoncé un projet ambitieux : la création d’une nouvelle autorité de régulation des médias et des réseaux sociaux. Cette initiative vise à remédier aux insuffisances du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), accusé d’être inadapté aux réalités actuelles.
Habibou Dia, directeur de la communication au ministère, a souligné les limites du CNRA : manque de ressources humaines et financières, absence de technologies de veille performantes, et une incapacité à réguler les radios hors de Dakar. Ce constat reflète la nécessité d’un régulateur plus robuste, capable de s’adapter à l’évolution rapide des médias numériques et des réseaux sociaux.
Encadrer un paysage numérique en expansion
La future autorité de régulation devra relever des défis multiples. En plus des médias traditionnels, elle devra s’attaquer à la régulation des réseaux sociaux et des influenceurs, un secteur en pleine explosion. Certains influenceurs, suivis par des milliers de personnes, diffusent des informations qui s’apparentent parfois au journalisme, sans respecter les normes éthiques et professionnelles de la profession.
Pour le ministère, cette régulation est essentielle pour prévenir la désinformation, les fakes news et les discours de haine. L’objectif est également d’accompagner ces acteurs dans leur démarche, afin de créer un environnement numérique plus sain et sécurisé. Le précédent projet de l’Arca en 2020 n’ayant pas abouti, les autorités espèrent cette fois aller plus loin pour garantir la viabilité de cette réforme.
Cette réforme, bien qu’ambitieuse, devra s’accompagner d’une réflexion approfondie sur la formation des régulateurs, la mobilisation des ressources et l’intégration des nouvelles technologies pour garantir son succès. Le Sénégal, en franchissant ce cap, pourrait s’affirmer comme un acteur pionnier en matière de régulation médiatique sur le continent.
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Une réforme porteuse d’enjeux sociopolitiques
Ce projet, s’il en est question, pourrait transformer en profondeur le paysage médiatique sénégalais. Il pourrait également susciter des débats sur la liberté d’expression, un sujet particulièrement sensible dans le contexte actuel. Toute tentative de régulation des réseaux sociaux risque d’être perçue par certaines comme une atteinte à la libre circulation de l’information.
Les autorités devront donc trouver un équilibre entre encadrement et préservation des droits fondamentaux. Une consultation inclusive avec les parties prenantes, médias, influenceurs, société civile et experts sera cruciale pour assurer l’adhésion à cette réforme.
Avec ce projet, le Sénégal se donne les moyens de mieux gérer les défis du numérique tout en renforçant son cadre démocratique. La nouvelle autorité devra cependant faire preuve de transparence et d’efficacité pour éviter les écueils rencontrés par le CNRA. Si le calendrier annoncé par le ministre est respecté, cette instance pourrait voir le jour d’ici la fin de l’année, devenant ainsi un modèle de régulation pour d’autres pays africains.
Tony A.