Le 13 mai 2025, le Bénin accueille en grande pompe le retour d’un trésor inestimable : un kataklè, siège royal à trois pieds issus du royaume du Dahomey. Ce joyau a été pillé en 1892 et resté introuvable pendant plus d’un siècle. Cette pièce rare, désormais identifiée comme la 27e du trésor royal d’Abomey, marque une nouvelle victoire dans le long combat pour la restitution du patrimoine africain dispersé dans les musées occidentaux. Après la France en 2021, c’est au tour de la Finlande de rendre un pan d’histoire.
Mais au-delà de la restitution d’un simple objet, ce retour pose des questions plus vastes sur la réparation historique, la diplomatie culturelle, et la gestion du patrimoine restitué. Le retour du kataklè est à la fois une réparation symbolique et un catalyseur d’une nouvelle ambition patrimoniale et politique pour le Bénin et, plus largement, pour l’Afrique.
Le retour du kataklè : entre justice mémorielle et diplomatie culturelle
Le kataklè, siège royal du Dahomey, est bien plus qu’un meuble. Il est un symbole de pouvoir, de souveraineté, et d’identité culturelle. Son pillage en 1892 par les troupes coloniales françaises représentait une mise à genoux de la monarchie du Dahomey. Son retour, 133 ans plus tard, opère un renversement symbolique : ce qui fut arraché par la force revient par la coopération.
La restitution de cette pièce par la Finlande n’aurait pas été possible sans le travail de fond de l’historienne de l’art Marie-Cécile Zinsou et de la conservatrice Pilvi Vainonen. Leur enquête minutieuse, soutenue par RFI, a permis de retrouver la trace du siège, échangé en 1939 par le musée de l’Homme à Paris avec le musée d’Helsinki. Ce travail collaboratif illustre une nouvelle ère de dialogue muséal, où les institutions européennes sont de plus en plus enclines à reconnaître les origines parfois douteuses de leurs collections.
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Cette démarche s’inscrit dans une dynamique internationale qui remet en cause l’héritage du colonialisme dans les musées européens. Le kataklè rejoint ainsi les 26 premières pièces restituées par la France, renforçant la légitimité du Bénin dans sa volonté de reconstituer son histoire matérielle.
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Réintégrer le passé pour reconstruire l’avenir
Si la restitution est un geste fort, elle pose un défi crucial : que faire de ces objets une fois rentrés ? Le retour du kataklè ouvre la question de la valorisation du patrimoine culturel dans les pays africains, en termes de muséographie, de conservation et de transmission. Le Bénin, sous l’impulsion de son gouvernement, a amorcé un virage ambitieux en matière culturelle. Le futur musée de l’épopée des Amazones et des rois du Dahomey à Abomey, en construction, doit accueillir ces trésors. Mais plus que de simples vitrines, ces lieux devront être des espaces vivants de mémoire, d’éducation et de fierté nationale.
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Au-delà, ces restitutions peuvent devenir un levier économique à travers le tourisme culturel, mais aussi un outil diplomatique, renforçant la stature du Bénin sur la scène internationale. Le retour du kataklè est donc aussi un test : celui de la capacité à transformer un acte de justice mémorielle en projet culturel structurant pour le futur.
Le retour du kataklè n’est pas qu’un événement patrimonial : c’est un signal fort. Il rappelle que la mémoire ne se négocie pas à bas prix et que les objets ont une âme, un territoire, une histoire. La restitution de ce trône est une victoire pour le Bénin, mais aussi pour toutes les nations africaines engagées dans la reconquête de leur dignité culturelle. À présent, l’enjeu dépasse la simple restitution matérielle : il s’agit de réancrer ces objets dans le récit collectif, de les faire parler à nouveau, non plus dans le silence des vitrines européennes, mais dans le tumulte vivant des peuples qui les ont vus naître. Le kataklè, trône trois fois arraché, est enfin revenu. À présent, il reste à lui redonner voix.
Tony A.