En Afrique de l’Ouest, la déforestation n’est plus seulement une menace pour la biodiversité. Elle devient désormais un facteur direct de crise hydrique. Un rapport publié le 5 novembre par l’ONG internationale WaterAid, en partenariat avec Tree Aid et des universitaires ghanéens, tire la sonnette d’alarme. Pour 1 000 hectares de forêt détruits au Niger ou au Nigeria, près de 10 hectares d’eau s’évaporent. Derrière ces chiffres, une réalité écologique dramatique : la disparition des forêts entraîne celle des rivières, asséchant les territoires et fragilisant des millions de vies humaines.
Le lien entre arbres et eau, souvent négligé dans les politiques publiques, est désormais une question de survie. Dans une région où 45 % de la population vit déjà dans des zones de stress hydrique, la déforestation agit comme une double peine. Elle prive les populations d’eau potable tout en aggravant la propagation de maladies hydriques comme le choléra, la typhoïde ou le paludisme. Ce rapport apparait comme un signal d’alerte avant la COP30 de Bélem, où l’Afrique de l’Ouest compte bien faire entendre sa voix.
Les forêts s’assèchent, les peuples s’appauvrissent
La déforestation bouleverse l’équilibre du cycle de l’eau. Les arbres, en retenant l’humidité du sol et en filtrant naturellement l’eau de pluie, jouent un rôle essentiel dans la régénération des nappes phréatiques. Or, leur disparition expose directement les sources d’eau à la contamination. « L’eau maintient la croissance de la végétation, et la végétation garde l’eau propre », rappelle la chercheuse Justine Kojo, auteure principale du rapport. Sans ce filtre naturel, les eaux deviennent des vecteurs de maladies, aggravées par le ruissellement des déchets et des produits chimiques.
Le Ghana illustre cette dérive. L’exploitation aurifère artisanale y laisse des traces de mercure dans les rivières, contaminant les populations locales. Dans les campagnes du Niger et du Nigeria, les mares autrefois permanentes s’assèchent à vue d’œil, entraînant l’exode de familles entières vers les zones urbaines. Ces déplacements, encore peu visibles, annoncent de futures tensions sociales et économiques. L’eau, jadis source de vie, devient une source de conflit silencieux.
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Une déforestation qui appelle une réponse politique
Au-delà du constat environnemental de la déforestation, c’est la gouvernance des ressources naturelles qui est en cause. Selon WaterAid, les politiques climatiques nationales traitent souvent séparément les questions d’eau et de forêts, alors qu’elles sont interdépendantes. Les budgets publics, déjà fragiles, se concentrent sur des infrastructures de distribution sans s’attaquer à la racine du problème qu’est la restauration des écosystèmes forestiers.
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L’ONG appelle à une approche intégrée, alliant financement climatique, reboisement communautaire et contrôle des activités minières. « Nous voulons que plus de financement aille à ceux qui sont les plus impactés », insiste Helen Rumford, responsable de la politique climatique de WaterAid. Un plaidoyer d’autant plus pressant que la COP30 doit justement discuter du lien entre eau, climat et biodiversité. Pour l’Afrique de l’Ouest, l’enjeu est clair : faire reconnaître que la perte des forêts n’est pas seulement un problème environnemental, mais une crise de développement et de santé publique.
L’Afrique de l’Ouest est à la croisée des chemins. Reconstruire ses forêts pour préserver ses sources d’eau, ou s’enfoncer dans une soif collective aux conséquences irréversibles. La forêt n’est pas qu’un paysage à protéger, c’est une infrastructure naturelle vitale. Et si l’arbre devient le nouveau puits, alors chaque tronc abattu est une goutte de moins pour demain.
Tony A.

