Dans une Afrique de l’Ouest en proie à des fractures politiques et institutionnelles, certaines crises ne se règlent pas à coups de communiqués, mais dans la quiétude des salons feutrés. La récente impasse au sein du Conseil des ministres de l’UEMOA en est une parfaite illustration. Alors que la tension entre Abidjan et les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) paralysait l’Union depuis juillet 2025, c’est finalement une médiation invisible, menée depuis Lomé, qui a permis de relancer la machine.
Derrière cette sortie de crise, un nom revient avec insistance : celui de Faure Essozimna Gnassingbé. Sans bruits, sans faste, le président togolais a réussi là où les grandes déclarations échouent souvent à renouer le fil du dialogue et rétablir un équilibre diplomatique dans une organisation régionale fragilisée. Cette opération de « diplomatie silencieuse » confirme une constante du leadership togolais. C’est à dire agir loin des projecteurs, mais au cœur des équilibres stratégiques ouest-africains.
Lomé, la capitale du compromis discret
Le déblocage du Conseil des ministres de l’UEMOA n’est pas le fruit du hasard. Selon les révélations d’Africa Intelligence, Faure Gnassingbé a initié une rencontre confidentielle à Lomé entre Adama Coulibaly, ministre ivoirien des Finances, et son homologue burkinabè, Aboubakar Nacanabo. Objectif : rétablir la confiance et préparer un compromis qui respecte la rotation institutionnelle tout en préservant la cohésion régionale.
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Cette initiative s’inscrit dans une méthode bien connue de Lomé, celle du dialogue à huis clos, loin des pressions médiatiques et diplomatiques. En parallèle, le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, a multiplié les échanges avec les émissaires du Mali et du Niger, garantissant une écoute équitable à chaque partie. Une approche graduelle, fondée sur la neutralité et la patience, qui a fini par porter ses fruits.
En octobre 2025, le Burkina Faso a officiellement pris la présidence tournante du Conseil des ministres, marquant la fin d’un bras de fer institutionnel inédit. Une victoire de la méthode togolaise, fondée sur la confiance plutôt que sur la confrontation.
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Le Togo, faiseur de paix au cœur des tensions ouest-africaines
Ce rôle d’intermédiaire ne relève pas du hasard. Il s’inscrit dans une stratégie diplomatique assumée par le Togo depuis plusieurs années. Dans un contexte régional miné par les coups d’État, les suspensions d’institutions et la montée des souverainismes, Lomé se positionne comme un espace de dialogue neutre entre les blocs opposés.
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Cette posture renforce la crédibilité du Togo comme pivot discret de la stabilité régionale. Déjà impliqué dans les médiations autour de la CEDEAO et du Sahel, le pays cultive une diplomatie de confiance, fondée sur le respect mutuel plutôt que la domination. En cela, Faure Gnassingbé s’impose comme un président-médiateur, capable d’apaiser les susceptibilités politiques sans chercher à capitaliser médiatiquement ses succès.
L’enjeu dépasse d’ailleurs l’UEMOA. Il s’agit d’affirmer que la résolution des crises africaines peut venir d’une approche africaine, fondée sur la proximité, la compréhension des dynamiques locales et le refus de l’ingérence extérieure. Lomé devient ainsi une sorte de « Genève ouest-africaine », un lieu où se règlent les différends dans la discrétion et la dignité. L’affaire du Conseil des ministres de l’UEMOA illustre bien cette réalité. La diplomatie ne se mesure pas au volume des discours, mais à la portée des résultats. En réussissant à désamorcer une crise qui menaçait la cohésion de l’Union, Faure Gnassingbé confirme un rôle d’« architecte du consensus » dans une sous-région souvent fracturée. Dans un monde où la visibilité prime souvent sur l’efficacité, Lomé rappelle qu’il existe une autre voie : celle du pouvoir tranquille, du leadership patient, où l’on ne cherche pas à briller, mais à bâtir. Et parfois, dans le tumulte ouest-africain, c’est le silence qui parle le plus fort.
Sandrine A.

